mercredi, 22 août 2007

Interview exclusive de Président Gbagbo à lire absolument

PROCEsSUS DE SORTIE DE CRISE

LE PRESIDENT LAURENT GBAGBO : ‘’ LE PROBLEME DES GRADES DES FN NE PEUT PAS PLOMBER LE PROCESSUS DE PAIX’’


Le Président Laurent Gbagbo a accordé une interview à la télévision Sud-africaine SABC International, ce jeudi 16 août 2007. Plusieurs sujets ont meublé cet entretien, entres autres la cérémonie de la flamme de la paix à Bouaké, l’Accord de Paix de Ouagadougou, les Audiences foraines et les grades des Forces Nouvelles.

Le 30 juillet 2007, la flamme de la paix s’est allumée à Bouaké, la cérémonie s’est plutôt bien passée M. le Président avec la présence de plusieurs de vos pairs. Aujourd’hui comment vous sentez-vous ? Comblé ?

Je suis content que cette cérémonie soit derrière nous. Parce qu’il fallait l’organiser. On a eu de problèmes parce qu’il fallait inviter certains Chefs d’état, on ne savait pas comment faire parce qu’on n’a pas encore à Bouaké les infrastructures nécessaires pour recevoir beaucoup de Chefs d’Etat. Nous avons choisi d’inviter seulement ceux de l’UEMOA. Et puis avec eux, nous avons invité trois qui ont joué un rôle particulier et qui ne sont pas de l’UEMOA. Ce sont les Présidents Thabo Mbéki d’Afrique du Sud, Dos Santos d’Angola et John Kufuor du Ghana, parce qu’il est président en exercice de l’UA. Ca c’est bien passé, je suis heureux et fier. E tout cas, on avance.

Vous citiez tout à l’heure des Présidents qui étaient présents, le Président Blaise Compaoré y était également, il est le facilitateur du Dialogue Direct. Alors dites-nous M. le Président comment êtes-vous passé avec votre homologue burkinabé ‘’d’adversaire’’ pendant un certain moment de la crise, à amis par la suite ?

On était déjà ami auparavant. L’histoire du monde est remplie d’exemples de ce genre. Aujourd’hui la France et l’Allemagne constituent l’axe central de l’UE. Or ils se sont fait la guerre. La première guerre puis la deuxième guerre mondiale .... A quel moment vous avez senti qu’il fallait lui confier, à lui précisément, la médiation de la crise ivoirienne ? Au moment où nous avons discuté et que nous sommes tombés d’accord.

Il semble que le Président Thabo Mbéki ait joué à un moment donné un rôle important dans ce rapprochement...

Très important. Puisque Thabo Mbéki devait quitter la médiation. Parce que son pays s’apprêtait à être élu au Conseil de Sécurité des Nations Unies. Mais depuis tout le temps qu’il est resté médiateur, il m’a toujours dit : ‘’ on ne sortira de la crise que quand on aura des rapports normaux avec le Burkina’’. Donc avant de partir il m’a demandé si j’étais prêt à aller à Ouagadougou avec lui. J’ai dit : ‘’Oui’’ et nous sommes partis à Ouagadougou. Nous avons eue une discussion à trois de près de trois heures de temps. On peut considérer cette discussion comme le prélude au Dialogue Direct et à la facilitation.

Quel regard M. le Président sur les deux méthodes de médiations Mbéki/Compaoré. Les styles ont-ils été différents ?

Mais ce n’est pas le même travail. Mbéki était médiateur au nom de l’UA entre le Président de la République de Côte d’Ivoire et ceux qui étaient alors la rébellion. Ici, j’ai décidé de discuter avec ceux qui étaient avant la rébellion. J’avais un ami avec qui j’ai retrouvé l’amitié, c’était le Président Blaise Compaoré lui aussi était leur amis. Donc je lui ai dit qu’étant l’ami des deux côtés il pouvait nous aider à faciliter la chose. Et heureusement pour nous il venait d’être élu président de la CEDEAO et la CEDEAO à accepter qu’il joue ce rôle. Ce n’est pas compliqué, il n’y a pas de mystère dans ce que font les Chefs d’Etat. C’est des hommes comme les autres, on discute et puis ça marche ou ça ne marche pas. Mais là ça a marché.

Pour l’instant c’est sur la voie.

Pour l’instant ça marche bien. Mais sachez que je le connais, je suis en contact avec lui depuis 1989. Donc je ne l’ai pas connu qu’à la faveur de la crise. Je le connais depuis longtemps. Et comme il le dit lui-même, nous sommes tous les deux d’un tempérament entier. Donc on est ensemble on fait palabre et quand on a fini on se met d’accord et on avance.

M. le Président abordons maintenant les questions de politique intérieure et permettez de nous revenir sur l’attentat du 29 juin contre votre le Premier Ministre, une enquête internationale a été demandée. Qu’adviendra-t-il par exemple si les résultats de l’enquête montrent des choses gênantes de part et d’autres ?

Mais rien n’est gênant. D’abord au niveau de l’enquête il faut préciser que naturellement le Tribunal ivoirien est saisi. Le Procureur général de Bouaké est saisi, il est monté au créneau, il a déjà désigné les juges qui doivent enquêter, ils font leur travail.

Il s’agit d’une enquête nationale...

Ah Oui. Cette procédure conduira naturellement à un procès.

Comment faire cohabiter les deux enquêtes nationale et internationale ?

Non ce n’est la même chose. D’abord il ne faut pas oublier. Et c’est malheureusement souvent le cas. Les gens oublient que ce qui va conduire au procès en Côte d’Ivoire, c’est l’action menée par le Procureur de Bouaké avec ses collaborateurs. C’est-à-dire les procureurs de la République qui l’entourent, les juges d’instruction et les enquêteurs qu’il va désigner. Donc ça c’est une première partie. Et c’est à eux que nous demanderont des comptes au niveau des procès. Parce qu’il faudra bien que, quand un procès arrive que le procès juge et condamne ou libère. Ensuite, nous avons demandé pour avoir plus d’informations et un champ plus large une enquête internationale. Parce que souvent nos juges sont désarmés si un coup qui se passe ici a des ramifications à l’extérieur. L’enquête internationale c’est pour nous aider à débusquer toutes les ramifications extérieures et si ils font diligences et qu’ils obtiennent des résultats ceux-ci seront versés aux dossiers du procès qui va avoir lieu...

Parce que des questions ont été posées M. le Président sur le fait que ‘’est-ce que la côte d’Ivoire ne remet pas en cause son statut d’Etat souverain en demandant une enquête internationale. ?

Je vous l’ai expliqué plus haut. N’importe quel Etat peut demander sur un sujet à l’ONU qui est notre organisation commune de l’aider à faire une enquête. Mais le fond de la question c’est que le procureur général de Bouaké est saisi, il est en mouvement, il est en train de travailler. Et il avance avec ses hommes et c’est ça qui doit aboutir à un procès.

Permettez-moi d’insister M. le Président sur une question que j’avais posée tout à l’heure. Qu’adviendrait-t-il par exemple si l’enquête nationale ou internationale désignait un de vos proches d’être derrière cet attentat ?

Il serait entendu devant les tribunaux. Ce que nous cherchons, c’est la vérité or la vérite n’a pas de couleur. Et la vérité n’a de position. La vérité n’a ni couleur ni position politique ni position dans la hiérarchie de l’Etat. Donc chacun d’entre nous suspect des personnes et ce n’est pas notre travail de faire ça.

Et si les résultats de l’enquête fragilisaient la dynamique engagée à Bouaké il y a quelques semaines ?

Un criminel est un criminel. Si quelqu’un tire sur l’avion du Premier Ministre pour le tuer, moi je le considère comme un criminel. Donc lui, il va passer au tribunal. Donc je ne vois pas... Vous avez des problèmes que je n’ai pas madame... Celui qui est présumé coupable il est jugé et il est condamné s’il est coupable. Quel qu’il soit.

C’est bien entendu M le Président. A Bouaké tout comme le 6 aout dernier à la veille de la commémoration de l’indépendance de votre pays, vous avez souhaité aller vite aux élections. Vous avez même avancé le mois de décembre. Est-ce que vous pensé que ce délai peut tenir et prendre en compte toutes les questions importantes liées à ce processus.

Madame chacun fait son travail. Moi je fais de la politique c’est cela mon travail. Aujourd’hui je préside la République de Côte d’Ivoire. Ceux qui doivent fixer les dates des élections, c’est les membres de la Commission Electorale Indépendante (CEI). Eux en accord avec les membres du Conseil Constitutionnel, c’est eux qui fixent. Moi je ne fais que signer le décret, le décret le jour précis. Je crois qu’il ne faut pas aussi se méprendre. En temps qu’homme politique, je suis bien fondé à dire qu’il est possible qu’on organise les élections en Décembre. Mais ça n’a pas valeur de loi, ça n’a pas valeur de décision.

N’empêche que vous voulez aller vite aux élections ...

Mais Oui.

Et vos adversaires disent que vous voulez aller très vite pour pouvoir organiser la fraude.

Oui mais ça... j’ai dit un jour à quelqu’un :’’ est-ce que vous avez un jour vu en Afrique des élections qui se passent sans que quelqu’un crie à la fraude’’ Donc ça ce n’est pas le problème. Le problème c’est que du point de vue de la Constitution, on ne peut pas organiser les élections en Côte d’Ivoire tant que le pays est divisé. Si je suis conscient que le pays n’est plus divisé et que le pays est réunifié c’est que maintenant on peut organiser les élections. Et que l’obstacle constitutionnel qu’il y avait à organiser les élections n’existe plus voilà pourquoi je dis maintenant : ‘’ il faut aller vite’’. Maintenant vous me dites que les choses qu’il faut faire, il faut les faire, il faut faire les audiences foraines. En deux, trois mois on peut les finir. Et puis pour les audiences foraines, il ne faut pas se tromper. Il y en a qui croit qu’il y a trois millions de gens ... les audiences foraines ne concernent pas tout le monde. Mais seulement ceux qui sont nés en Côte d’Ivoire qu’ils soient ivoiriens ou étrangers et qui n’ont jamais eu de papiers. Regardez un peu, en Côte d’Ivoire aujourd’hui 75% de la population a moins de 25 ans. Tous ces gens, ils ont eu des papiers déjà. Et ce n’est pas n’importe qui, qui doit venir à l’audience foraine pour crier et réclamer des papiers, des certificats de nationalité.

Alors qu’est-ce qui sera délivré comme papier à ces audiences foraines ?

Un jugement supplétif d’acte de naissance. L’audience foraine ne peut délivrer que deux papiers. Un jugement supplétif d’acte de naissance ou un jugement supplétif d’acte de décès, point. L’audience foraine n’est pas habilitée à délivrer un autre papier.

Est-ce que sur cette question vous êtes en phase avec votre Premier Ministre ?

Il n’y a pas à être en phase, mais à appliquer la loi. Moi je n’ai rien décidé, je n’ai rien dit. J’ai dit seulement ce que c’est que la loi, donc on applique la loi.

Ces questions M. le Président ‘’ Qu’est-ce qui faut délivrer pendant les audiences foraines ?’’ le jugement supplétif ou le certificat de nationalité, ont longtemps plombé le processus...

C’est parce que les gens voulaient contourner la loi. Ecoutez quand Charles Konan Banny était Premier Ministre regardez bien le texte qu’il a écrit. Il a écrit un petit fascicule pour expliquer aux gens ce que c’est que l’audience foraine. On est totalement d’accord. Si après il dit autre chose, ça ne me regarde pas. Il a réuni tous ses juristes ils ont faits des analyses des textes de loi, l’existence des audiences foraines et il est d’accord avec ce que je suis entrain de dire. Et c’est écrit.

Au moment où les Accords de Ouagadougou vont connaitre une probable accélération est-ce qu’on peut dire que cette fois-ci est la bonne. Que cet accord a pris en compte tous les problèmes qui ont été à la base de la crise politique que connaît votre pays et que le processus est vraiment sur les rails.

Le processus est sur les rails. Je pense que chaque fois que les Africains se sont occupés de notre problème on a fait des avancées. On a fait des avancées à Pretoria, depuis lors on fait des avancées à Ouagadougou. Mais ça je crois que c’est la dernière fois parce que là, c’est nous mêmes qui avons proposés les textes. On ne nous l’a pas a imposé.

Et donc les véritables causes de la guerre ont été prises en compte

Oui puisque ceux qui avaient pris les fusils, on a discuté avec eux et on a signé ensemble. Donc je peux dire que tout est pris en compte.

M. le Président, revenons à le cérémonie de Bouaké avec tout le symbole, le feu qui a été mis à des armes. Est-ce que tout cela va conduire vite au désarmement ?

Oui, tout de suite. Vous savez le désarmement, pour parler comme l’autre, il n’y a pas de fétichisme du désarmement. Le désarmement est utile en ce sens qu’il permet de circuler et d’aller faire les élections. Si les gens circulent et les préfets sont déjà en place et les sous-préfets vont les rejoindre dans deux ou trois jours qui parlent encore de tout ça. C’est pourquoi, les ivoiriens doivent comprendre et que quand on est dans un processus de sortie de crise, il y a ceux qui dirigent ce processus, qu’ils ont leurs méthodes et qui savent où ils vont et il y a monsieur tout le monde qui quelque fois crie parce qu’il ne voit pas ou on va. Et c’est le jour où on y arrive qu’il comprend.

Pour l’instant en attendant que le désarmement soit effectif...

Soit terminé parce que les armes qu’on a brulées, on les a pris à des gens.

Il y a eu juste quelques armes M. le Président

Mais bien sûr, mais ce qui veut dire que ça a commencé. Si on brûle 2000 armes, c’est que le désarmement a commencé. Il y a eu quelques armes brûlées à Guiglo et quelques mois après on a appris que se ne sont pas toutes les armes qui ont été brulées et que le processus doit être repris. Ah non. A Guiglo, même les armes qu’on a ramassées n’ont pas toutes été brûlées. Ce n’est jamais toutes les armes que l’on brûle. Parce qu’on ne va pas brûler toutes les armés pour les racheter après. Parce qu’il faudra continuer à refaire l’armée et donc c’est que souvent aussi le gens ne savent pas. Quand on faut le bûcher, les gens sont trop loin de la conception de l’action. Quelques fois nous on trie pour que l’armée puisse garder des armes utiles.

Il s’agit de libre circulation des biens et des personnes M. le Président. Est-ce que vous compatriotes peuvent aujourd’hui aller et venir à Bouaké, à Séguéla, à Ferké, à Vavoua sans craindre pour leur vie et pour leurs biens ?

Mais vous même qui êtes journalistes allez à Vavoua. Quand vous serez parti et que vous serez revenus, vous comprendrez qu’on peut circuler tranquillement.

Parce qu’on vient de me dire que le désarmement n’est pas totalement fait et ce n’est pas très rassurant.

Je vous dis que j’ai un ami qui est originaire de Vavoua et qui est déjà parti commencer sa campagne municipale. Les deux ou trois fois qu’il est revenu, il m’a rendu compte. Donc il est parti et il est revenu au moins trois fois pour faire sa campagne municipale dans le cadre des élections à venir. Même le conseil Général de Vavoua a tenu sa première réunion à Vavoua même. Je veux dire que pour les autres départements occupés, c’est pareil. A Séguéla, j’ai vu à la télévision que le Conseil Général de Séguéla a fait une ou deux réunions déjà à Séguéla. Le Ministre Tagro était récemment à Séguéla pour présider la fête de l’indépendance. Donc, on avance madame. Dans la libre circulation, on avance. Et on le fait, pour utiliser encore une expression bien d’ici, concomitamment avec le désarmement.

En revanche il reste une question qui n’est pas réglée concomitamment avec le processus dont vous parliez tout à l’heure. C’est la question des grades militaires qui reste encore non résolue. Est-ce que la façon dont ces questions ont été traitées dans des pays comme le Burundi, le Libéria ou la Sierra Léone, vous paraît elles inappropriées dans un pays comme la Côte d’Ivoire.

Non, la Côte d’Ivoire est la Côte d’Ivoire et nous allons régler ces questions. Plusieurs pistes existent. Les gens en font trop pour les grades et en parlent plus que de besoin. Alors que ce n’est pas un problème si grave.

Ça peut plomber le processus de paix.

Non, ça ne peut pas plomber le processus de paix avec la méthode de travail que nous avons. Nous travaillons pour ne pas que ça plombe. L’armée ivoirienne a 18.000 hommes ceux qui sont partis dans la rébellion sont à peut près 437. Sur les 437, la question de grades ne concerne que 30 personnes. Une fois qu’on a fini le débat à Ouagadougou, on a signé les Accords on s’est demandé ‘’est-ce qu’il fallait mettre en avant le problème des grades ou bien avancer sur les autres sujets ?’’ Parce que dans les discussions c’est toujours les problèmes personnels qui plombent les débats. Vous comprenez. Donc quand les individus sont mêmes concernés, j’ai mis ce débat de côté. Et j’en discute souvent avec eux-mêmes, mais le débat est de côté. Nous avons réussi à faire le Centre de Commandement Intégré (CCI), à faire sauter la zone de confiance, à faire le bûcher, à affecter les préfets, à installer les magistrats etc. Le problème demeure mais on avance, mais comme c’est un problème qui touche les individus ... Mais M. le Président vous allez être un jour bien obligé d’ouvrir ce dossier, mais est-ce que ça va être une décision militaire ou politique ?

C’est une question qui va se traiter comme les autres problèmes. Je veux profiter du fait que vous m’interviewer pour dire aux gens de ne pas s’exciter autour de ce problème, qui n’est rien. Parce qu’est-ce qu’un grade dans l’armée ? Un grade dans l’armée, c’est un signe qu’on vous donne pour montrer que dans la hiérarchie voilà le niveau auquel vous passez. Quand vous êtes à ce niveau vous recevez un traitement équivalent et vous commandez à des hommes. Est-ce que ceux qui ont ces grades commandent aux gens des FANCI ? Non. Est-ce que ceux qui ont ces grades ont un traitement salarial ? Non.

Et s’ils les revendiquent ?

Avec ’’si’’ on peut tout faire madame. Pour le moment je parle de la réalité. Ce qui veut dire que ce problème-là n’a aucune incidence sur la marche de l’armée. Alors, je ne comprends pas ... Moi, je vois bien WATTAO. Quand je l’ai vu l’autre jour, on ne l’a pas nommé chef de bataillon, vous comprenez ? Il n’a pas le salaire d’un commandant, en tout cas dans les FANCI, dans la Fonction Publique ivoirienne. Donc, je veux dire qu’il ne faut pas que les gens s’excitent. Il faut qu’ils nous laissent travailler. De la même manière nous avions travaillé lentement, et que nous avons réussi à faire l’Accord de Ouagadougou, à faire tomber la barrière qui partageait le nord et le sud. Maintenant chacun va dans son village, partout. De la même manière qu’ils ont découvert cela brusquement un matin, de la même manière, ils vont découvrir que les petits obstacles vont tomber. Mais, ça, c’est vraiment un petit obstacle.

Abordons maintenant une question qui est importante sur le plan de la politique intérieure, c’est que la crispation qui se constate entre vous et deux autres leaders de la politique ivoirienne, l’ancien Premier ministre Alassane Ouattara et l’ancien président Henri Konan Bédié semble se durcir.

Pourquoi dites-vous cela ?

On ne les a pas par exemple vus à Bouaké pendant la cérémonie très importante du bûcher de la paix.

En quoi est-ce que cela signifie que ça semble se durcir ?

Vous êtes donc en contact avec ces deux leaders ?

Non, enfin, je veux dire qu’on invite des citoyens, ils viennent ou ils ne viennent pas. Moi, je suis revenu. Mais, ils n’ont pas posé un acte contre la Côte d’Ivoire. Je veux dire que ce n’est pas un acte punissable, pour le fait qu’ils ne soient pas venus. Et puis, ils ont envoyé des délégations. Mais, moi, ça ne m’a pas du tout ému. Vous savez, dans la politique, il y a des problèmes qui ne sont rien et puis, c’est à force d’en parler qu’on en fait des problèmes. On est allé là-bas pour faire le bûcher, pour marquer la réconciliation et la fluidité, aujourd’hui la circulation sur toute l’étendue du territoire. Cela a été fait et ce sera l’essentiel. Ceux qui ne sont pas venus, ce n’est pas important. Ceux qui sont venus aussi, c’est tant mieux.

Ce sont quand même deux acteurs importants de la vie politique en Côte d’Ivoire. Est -ce qu’en tant que Président de la République, vous envisagez par exemple des initiatives pour les inclure dans le processus ou même les mettre devant leurs responsabilités ?

Non. On n’a pas à les mettre devant leurs responsabilités. Moi, j’ai discuté avec ceux qui ont revendiqué la prise des armes. C’est dans ce sens-là qu’on parle de Dialogue Direct. Parce que je me suis rendu compte que toutes les réunions qui ont réuni tout le monde n’aboutissaient à rien. On ne parlait pas de problèmes précis du dépôt des armes. Ils sont inclus, ils sont dans le Cadre Permanent de Concertation (CPC). Mais, vous savez, il faut qu’en Afrique, on apprenne un jour que celui qui a gagné gouverne et celui qui n’a pas gagné, ne gouverne pas. Il faut qu’on apprenne cela sinon on n’aboutira jamais à la démocratie.

Monsieur le Président, votre pays est dans une situation pas tout à fait normale pour l’instant. Est-ce qu’à l’étranger par exemple, la perception c’est qu’ils sont entrain d’être exclus encore une fois du jeu politique.

Ceux qui vous ont dit ça ne sont pas nombreux. Tous les chefs d’Etat étrangers qui sont venus ici, aucun n’a dit ça.

Ils n’ont peut-être pas osé vous le dire monsieur le Président

Si on les invite, qu’est ce qu’on peut faire d’autre ? On ne peut pas les saisir de force pour les emmener. Est-ce que vous comprenez ? On dit aussi qu’ils ne sont pas venus à la fête du 7 Août, la fête de la célébration. Moi, quand j’étais dans l’opposition, je ne suis jamais allé à la célébration de la fête du 7 août. Je ne me suis jamais senti écarté ou exclu. C’est-à-dire que les Ivoiriens ont des raisonnements que je ne comprends pas toujours. Et les gens ont sur la Côte d’Ivoire, des raisonnements que je ne comprends pas toujours. On ne met pas tout le monde partout, dans tout.

Tout de même Monsieur le Président, sur cette question, est-ce qu’il ne serait pas bien pour la bonne marche du processus, que main dans la main les ivoiriens travaillent et... ?

Mais, on travaille main dans la main. Soro Guillaume est Premier ministre, dans le gouvernement, tous ces partis sont représentés. Il y a le PDCI, le RDR, le MFA, l’UDCY... Quel est l’endroit où on travaille main dans la main, si ce n’est autour de la table du conseil des ministres ? Vous comprenez ? Ce n’est pas mon gouvernement. Et ça, je l’avais déjà fait avant même qu’il y ait la guerre. Je les avais déjà tous inclus avant même qu’il y ait la guerre. Donc, il faut qu’on cesse un peu de vouloir mettre tout le monde sous un même... les uniformes, ça ne sauve pas toujours. Là, je ne suis pas du tout ému.

Donc, les patriotes pourraient être inquiets de cette absence d’harmonie par rapport au processus de paix à laquelle ils n’ont pas participé depuis Bouaké

Pourquoi inquiets ? Il est important que ceux qui doivent prendre les décisions puissent les prendre. C’est ce qui se passe actuellement. Il faut laisser tranquille les gens.

Monsieur le Président, le phénomène de la transhumance politique touche presque tous les partis de l’opposition en Côte d’Ivoire. Etes-vous derrière ces déstabilisations et ces débauchages ?

On dit ça. On le dit aujourd’hui mais, moi, ça m’amuse. Ceux qui le disent, je pense qu’ils n’ont pas beaucoup de mémoire. En Afrique et partout dans le monde, les cadres car c’est d’eux qu’il s’agit, n’aiment pas les loosers. Donc, quand vous dirigez un parti, que certains cadres qui veulent agir, qui veulent participer au gouvernement de la cité, voient que vous n’êtes pas sur la route pour gagner, ils vous quittent et vont ailleurs. Quand j’étais président du FPI dans l’opposition, nous avons connu ça. Il y a eu le CDF, la plupart des membres ont quitté le FPI. Il y a eu la Renaissance, la plupart des membres de la Renaissance ont quitté le FPI. Il y avait même une émission à la télévision qui passait tous les lundis où on donnait systématiquement la parole à ceux qui avaient quitté le FPI. Mais ça, c’est courant en Afrique. Il faut qu’on le fasse et qu’on n’accuse pas toujours les gens pour les accuser. C’est comme ça que les choses se font. Mais, ce n’est pas seulement en Afrique mais aussi dans beaucoup de pays occidentaux. Donc, j’observe, je regarde.

Vous observez, vous êtes de plus en plus rejoint par des cadres de l’opposition...

Et vous voulez que ça me mécontente ? Si les gens quittent leur parti pour dire qu’ils viennent me rejoindre, je ne peux qu’être heureux. Mais, ça ne veut pas dire que je les débauche. S’ils se déplacent pour venir chez moi, c’est parce que peut-être ils pensent que là où ils étaient, ils ne vont pas vite arriver au pouvoir ou bien ils ne vont pas... Je veux donner mon exemple pour dire que quand cela arrivait au FPI, je n’ai pas accusé le parti au pouvoir, et on peut prendre tous les journaux de l’époque. Quelques fois, c’était des saignées.

Abordant maintenant les questions sociales, Monsieur le Président, vous avez dit à un moment donné que la guerre qui touche votre pays est aussi une crise de l’emploi. Vous avez annoncé la mise en place du service civique, En quoi va-t-il consister ?

Merci. Le service civique est déjà pour beaucoup de pays africains, une solution. Ce n’est pas la solution, mais une solution à l’emploi et à l’occupation des jeunes. Déjà Madagascar a instruit le service civique. Il y a même la Zambie, le Mozambique, il y a beaucoup d’autres pays en Afrique de l’Est qui utilisent déjà le service civique comme un instrument pour utiliser les jeunes. Ce à quoi ça va consister. Ici, les études montrent qu’il y a au moins quatre millions de jeunes qui auraient besoin d’avoir un emploi. Quatre millions, c’est beaucoup. Nous n’aurons pas les moyens pour prendre tous ces jeunes à la fois. Or, nous voulons commencer. Et dès la rentrée, c’est-à-dire fin août début septembre, nous allons prendre la loi et puis commencer à ouvrir les centres. Nous allons prendre quarante mille jeunes, ouvrir les centres...

Il s’agira d’une formation ?

Oui, il s’agira surtout de formation. Les former à un emploi, les former à l’esprit civique et puis les accompagner dans la recherche d’un emploi.

Avec justement quelle perspective d’avoir un emploi ? Est-ce que le marché du travail en offre beaucoup en ce moment ?

Il faut créer les emplois. Moi, j’ai déjà reçu des coups de fil de certaines entreprises qui me disent combien elles vont en prendre. Donc, je suis déjà content. Mais en plus c’est qu’il y a des métiers qui n’existent pas. Prenez le cas de Cocody qui est le quartier le plus vaste d’Abidjan. Mais, qui est aussi le quartier le plus huppé. C’est là où habitent les Ministres, les Ambassadeurs, les Directeurs Généraux, les Directeurs Centraux... quand vous ouvrez l’annuaire téléphonique, vous trouverez le numéro d’aucun plombier, ni à Cocody, ni ailleurs à Abidjan. C’est-à-dire que si vous avez des problèmes... Il faut former des plombiers et les aider à s’installer, les aider à faire leur publicité et pour qu’on les appelle, qu’ils viennent travailler qu’on les paye. C’est-à-dire ce n’est pas seulement pour aller dans les entreprises qui existent déjà. Il faut que les ivoiriens apprennent à avoir l’esprit d’entreprenariat, qu’ils apprennent à être des hommes d’affaires, et qu’ils ne soient pas uniquement des employés d’entreprises déjà existantes.

Vous pensez pouvoir inculquer cet esprit à vos compatriotes pendant ce service civique ?

En tout cas, il faut le faire. Toutes les administrations qui sont chargées de la formation, sont déjà mobilisées.

Il s’agira, Monsieur le Président, de trouver des occupations et d’insérer des jeunes qui ont pris des armes. Quel sera par exemple le sort des milices s’il advient qu’elles ne sont insérables nulle part ?

Mais pourquoi elles seraient insérables nulle part ? Pourquoi, elles seraient des sous-hommes ? Ceux qui ont pris des armes souffrent. Moi, je compte ouvrir des centres à Bouaké, à Séguéla, à Korhogo, à Man. Mais, je compte aussi ouvrir des centres à Guiglo, à Toulepleu, à Abidjan, à Adiaké etc. Donc, tous les jeunes ivoiriens sont concernés sauf ceux qui ne veulent pas.

Sur la question des déchets toxiques, maintenant, il semble que la justice se soit arrêtée, sinon ralentie, dès lors que l’argent a commencé à être distribué. Est-ce qu’il n’y a pas quelque chose de gênant pour vous qui, pendant les longues années passées dans l’opposition, avez dénoncé l’injustice et surtout l’impunité ?

Mais, madame qui vous dit tout ça ? Vous n’êtes pas bien informée.

Si Monsieur le Président. On entend parler en ce moment plus de distribution d’argent que du processus judiciaire sur cette affaire de déchets toxiques

Ce n’est pas parce qu’on entend parler plus d’une affaire que l’autre affaire n’existe pas.

Où en sont donc les procédures judiciaires ?

Je crois que juste après les vacances judiciaires, le procès va avoir lieu. Ça tombe très bien, parce qu’il y a trois jours, j’ai posé encore le problème au Procureur général d’Abidjan qui est en charge de ces dossiers, il m’a dit que c’est imminent l’ouverture du procès.

Donc, la justice suit son cours ?

Oui, elle suit son cours normalement. Parce que là on a parlé de dédommagement, mais il y a le droit pénal et la justice suit son cours tranquillement. Ce n’est pas parce que les Ivoiriens aiment crier quand il s’agit d’argent, que l’autre aspect en même temps.

Monsieur le Président, malgré la coupure en deux, la Côte d’Ivoire ne s’est pas écroulée économiquement. Mieux, une nouvelle richesse est apparue : le pétrole. Avec donc le pétrole, les recettes fiscales et d’autres sources pour l’Etat d’avoir de l’argent, le pays se porte plutôt bien. Mais malgré cela, la pauvreté grandit dans les villes comme dans les villages... Alors comment pensez-vous améliorer la situation, sans forcement attendre la fin de la guerre ?

La guerre rime toujours avec la pauvreté. Je n’ai jamais connu un pays en guerre où il y avait la prospérité. Il y a toujours des profiteurs de guerre quelque part. Mais en règle générale, quand il y a la guerre, il y a la désespérance et l’aggravation de la pauvreté pour le plus grand nombre. C’est pourquoi le premier acte économique est mettre fin à la guerre et de sortir de cette crise. C’est un acte économique. Parce que sans être de la situation de crise, on ne peut rien. Aujourd’hui, pour la première fois, les examens sont passés, et les mêmes sujets sont traités les mêmes jours, à la même heure, sur l’ensemble du territoire. Ça veut dire que maintenant qu’on et qu’on vient à Odienné à Korhogo etc..., on pourrait distribuer le carburant de la SIR à Korhogo, à Odienné. Et donc les activités liées à cela vont reprendre. C’est-à-dire que je suis entrain de travailler pour que cette année, nos partenaires et nous, nous revenions au niveau de septembres 2002. C’est ce que j’ai annoncé dans mon discours de 6 août dernier. Après, nous allons envisager les autres. Mais ont est dans les grands travaux. Nous les avons commencés et ils vont employer beaucoup de personnes. Nous construisons la zone administrative de Yamoussoukro nous avons fini de bâtir l’Hôtel des parlementaires. Nous sommes entrain de bâtir l’Assemblée Nationale et la Présidence de la République. Nous allons continuer. L’autoroute du Nord va continuer sur 90 km de Singrobo à Yamoussoukro. En septembre, nous commençons les travaux du port. Parce qu’il faut que le port soit aménagé. Nous travaillons, Madame, nous travaillons.

Il y a la question de la BCEAO qui intéresse un grand public africain. Est-ce que la Côte d’Ivoire retient toujours ses droits sur le gouvernorat de cette institution ?

Mais nous n’avons aucun problème.

Est-ce que vous avez pu convaincre vos pairs de ce que la Côte d’Ivoire tient à conserver ce poste ?

Mais nous n’avons pas de problème. La Côte d’Ivoire n’a pas de problème sur la BCEAO. On a discuté. D’ici septembre octobre, le problème sera réglé. C’est ce que m’a dit me président de l’UEMOA.

Quel est votre candidat pour ce poste ?

Vous le saurez, puisque je pense qu’il sera Gouverneur. Les relations avec la France. Pensez-vous, Monsieur le Président qu’il est aujourd’hui important d’aplanir les différends qui existent entre votre pays et la France ? Il est toujours important d’aplanir les différends qui existent entre deux pays. Parce que la diplomatie est faite pour faire la paix. Ce n’est pas fait pour faire la guerre.

Pensez-vous que les relations seront meilleures avec le Président Nicolas Sarkozi ?

Oh... je l’espère.

Vous vous êtes récemment parlé eu téléphone....

Oui, on s’est parlé. Je pense que les relations vont être meilleures. Moi, je n’ai aucun problème en ce qui me concerne

Vous êtes annoncé en France en octobre. Est-ce pour tracer de nouveaux cadres de relations....

Qui m’annonce en France ? Moi j’ai vu ça dans les journaux. Ce n’est donc pas à l’ordre du jour que vous... Non, ce n’est pas que ce n’est pas à l’ordre du jour. Je n’ai pas encore reçu d’invitation. J’ai découvert un matin dans les journaux : ‘’ Gbagbo annoncé à Paris’’. Bon comme je sais comment prendre les journaux, je regarde et puis je regarde d’autres choses.

Dans la lignée des Chefs d’Etat africains qui veulent opérer une certaine révolution politique africaine, comment vous situez-vous par rapport à cette révolution ?

Je ne sais dans quel sens utilisez le mot : ‘’révolution’’. Mais si la révolution veut dire qu’il faut qu’on respecte les chefs d’Etat africains comme on respecte les autres, alors, oui, je suis un révolutionnaire. Parce que je ne comprends pas que des Chefs d’Etat, sous prétexte qu’ils dirigent de petits pays pauvres, se laissent dicter leurs conduites par d’autres Chefs d’Etat. En tout cas, ce n’est pas moi qui serait dans cette posture-là.

A l’époque des dures réalités du pouvoir et des relations internationales, est-ce que vous croyez à des idéaux comme la renaissance africaine ?

Bien entendu. Si je n’y croyais pas, je n’en parlerais pas quelquefois. Et je ne ma serais pas inscrit dans cette ligne-là. Vous savez ce terme est souvent utilisé par le Président Thabo Mbéki. Je voudrais lui rendre un hommage, parce qu’il ne m’a pas déçu. En 1994, j’ai rencontré ce Monsieur pour la première fois, quand nous étions à Johannesburg, dans le cade d’une réunion du Comité Afrique de l’International socialiste, pour soutenir l’ANC qui s’apprêtait à aller aux élections. C’est lui qui était chargé de nous recevoir. Il était avec un autre. En causant comme ça avec des amis sud-africains, après la réunion, je leur ai dit : ‘’ vous-là ne nous faites pas honte hein. Nous tous, nous nous soutenons, mais ne faites pas comme la plupart des autres pays africains, qui ont pris l’indépendance et qui ont fait moins bien que les colonisateurs. Qui ont passé leur temps à mettre leurs compatriotes en prison, à bâillonner les libertés etc. A l’époque, on en avait rie. On m’avait trouvé trop sévère avec les africains. Mais je suis fier de dire que pour moi, sur ce point précis, l’Afrique du Sud a incarné la résistance. Parce qu’elle n’a pas fait comme beaucoup de pays africains ont fait : instaurer les partis uniques, tuer les libertés, empêcher les gens de s’exprimer. On n’a pas besoin d’instaurer la dictature pour atteindre le développement. La preuve, c’est que nous avons fermé les libertés, mais nous n’avons pas atteint le développement. Comprenez-vous ? Donc moi, j’aimerais vous dire que je m’inscris dans le cadre de la résistance, mais l’Afrique du Sud incarne parfaitement ce à quoi nous aspirons. Nous qui parlons de renaissance africaine.

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