dimanche, 29 avril 2007

ELIE HALLASSOU : "IL N'Y A PAS DE HONTE A SUIVRE LA VOIE DU COJEP"




Le dialogue direct n’en finit pas de livrer ses secrets. Au moment où ces pourparlers inaugurent une autre ère de sortie de crise, des voix s’élèvent, pour relever la face cachée de la réunion de Ouaga.

Vous avez pris part il y a une semaine, à l’apothéose de la caravane de la paix du COJEP. Avec ce que vous avez vu, pensez-vous que le processus de paix est irréversible ?
Les réactions aussi bien ici qu’à l’extérieur du pays, après l’apothéose de la caravane de la paix à Yopougon, me fondent à croire qu’effectivement, la Côte d’Ivoire va irrémédiablement à la paix. Nous avons trouvé à cette cérémonie des acteurs principaux de l’ex- belligérance. Mais il y a aussi les mots, les phrases prononcées et les actes de part et d’autre qui nous conduisent vers la réconciliation nationale. Cette symbiose et cette osmose des participants me laissent très optimiste.

Quel regard jetez-vous sur les actions du COJEP qui a réussi ce tour de force ?
Je le dis sans condescendance, pour moi Blé Goudé et son mouvement font un travail admirable. Le ‘’Général’’ a une vision panafricaniste. Le COJEP pose des actions percutantes, ciblées, et il ne peut qu’obtenir les résultats constatés samedi dernier. Je réitère au COJEP et à Blé Goudé toutes mes sincères félicitations pour cette caravane de paix dont je me suis inspiré. Car il n’y a aucune honte ou appréhension à imiter ce qui est bon dans le fond, dans la forme et qui peut indéniablement servir le pays, et sans coup férir ramener la paix des cœurs et des esprits. J’ai, à l’époque, soutenu sans réserve l’accord de paix du ‘’café de Versailles’’.

Cette convergence de vue, l’accalmie qui s’installe est le fruit de diplomatie souterraine. A ce propos, l’on prête à des personnes issues de la communauté ivoiro libanaise à laquelle vous appartenez, d’avoir joué un rôle actif, dans le cadre du dialogue direct. Qu’en est-il exactement ?
C’est vrai que la communauté ivoiro libanaise se sent fortement interpellée par cette crise. Modestement, je joue ma partition au sein de la galaxie patriotique. Mais je ne suis que la face visible de l’iceberg. Je vous révèle par exemple que dans le cadre du dialogue direct, une personne, Faouzi Jaber qui est chargé de missions à la présidence de la République, a joué un rôle primordial. Sa modestie va certainement en souffrir, mais nous sommes à un stade où ceux qui oeuvrent pour la paix méritent d’être connus et salués. C’est peut-être un risque que je prends en parlant des activités de M. Faouzi, mais il mène des actions nobles. Mais il joue certainement un rôle qui va au-delà de cette fonction. Il est aussi conseiller du président de la République. Il est l’un des pionniers et l’un des initiateurs du dialogue direct de Ouaga. Avant que cette réunion ne soit annoncée, il a effectué plus de 150 voyages à partir de février 2005, dans le cadre des préparatifs de ce dialogue. Et cela ne doit pas rester sous le boisseau. J’en profite pour rendre un hommage appuyé au ministre de l’Intérieur, Désiré Tagro, et toute sa délégation qui ont abattu un travail formidable à Ouaga. Evidemment, je salue la grandeur d’esprit du Président Gbagbo qui était au départ du dialogue direct. Le chef de l’Etat sait qu’avant l’heure ce n’est pas l’heure, après l’heure ce n’est non plus l’heure. L’heure, c’est l’heure.

R A part cela, qu’a-t-il fait concrètement ?
Faouzi Jaber a œuvré au rapprochement entre les autorités ivoiriennes et burkinabé et facilité l’arrivée du ministre burkinabé de la Sécurité en Côte d’Ivoire. Souvenez-vous, le quotidien ‘’Notre Voie’’, dans sa parution du lundi 26 septembre 2005, a cité ce chargé de missions présidentielles, comme l’un de ceux qui pilotent cet accord. Plus récemment, ‘’Notre Voie’’ du 20 avril, parle de Faouzi Jaber comme l’homme de l’ombre. Cet article a en outre parlé de Djibril Bassolé. C’est vous dire que je sais de quoi je parle ! Il a aussi des relations très poussées avec le ministre d’Etat burkinabé de l’Agriculture, Salif Diallo. Autant d’atouts qu’il a mis à profit. Au nombre de ses actes, une tentative de rapprochement entre l’actuel Premier ministre et des membres très influents de la galaxie patriotique. Grâce à ses entrées dans certains palais de la CEDEAO comme au Ghana, dont il bénéficie de l’amitié du Président, John Kufuor, il a pesé de tout son poids. Il entretient des rapports avec le secrétaire général de la CEDEAO, Chambas. Il est même passé par l’Angola, au secrétariat général du CENSAD, à Londres, dans le cadre de la résolution de la crise ivoirienne. Partout, Faouzi a contribué à faire admettre l’idée du Président Gbagbo à qui il reste très fidèle, et fait accélérer la rencontre de Ouaga. Je ne le connais pas personnellement, puisque je ne l’ai rencontré qu’une seule fois, mais il a fait quelque chose d’énorme pour son pays. Il s’est investi corps et âme dans cette entreprise, engageant même des fonds propres. Moi je clame ma fierté pour ce genre de personne. C’est un honneur pour la communauté et il faut rendre hommage à Faouzi Jaber, discret mais efficace, pour ce qu’il fait. Et cela légitime mon combat, je ne suis pas seul dans ma communauté à me battre pour la paix, la réconciliation et la République.

Vous-même, vous êtes sur le terrain politique, avec l’Association citoyenne pour Gbagbo (ACG) que vous dirigez. Que gagne la communauté ivoiro-libanaise à tant s’impliquer dans la résolution de la crise ?
Quand on se dit ivoirien, c’est aussi bien dans les moments de bonheur que dans les temps difficiles. Il y a l’attachement viscéral et charnel à ce pays. Ce qui nous fait courir donc, c’est l’amour du pays. Et puis s’il n’ y a pas de paix, aucun développement n’est possible. Or, le combat de l’Afrique, c’est le combat contre le sous-développement, la pauvreté, la misère. D’ailleurs, Faouzi Jaber, fin négociateur et subtile, vient d’initier des projets immobiliers sur les routes de Bassam et Bingerville avec des investisseurs espagnols pour près de 12000 logements économiques. L’amour de ce pays me motive, malgré les supputations sur mon compte, tendant à faire croire que je suis guidé par des considérations pécuniaires. Et je crois que c’est le cas du chargé de missions qui reste très attaché au Président Gbagbo. C’est l’explication la plus basique que je peux donner. Autrement, j’aurais arrêté depuis quatre ans et demi, mais la conviction ne se négocie pas. Et comme j’aime souvent à le dire, le patriotisme ne tire pas sa source dans l’ethnie, la région ou la confession. Je fais une confidence : le Président Gbagbo m’a naturalisé en fin 2006, mais depuis 2002, je me bats pour mon pays, la Côte d’Ivoire.

Vous venez d’engager une croisade pour la paix. Peut-on voir l’ACG que vous dirigez initier pour bientôt un meeting en zone MPCI ?
Nous avons monté cette croisade pour la réconciliation et la paix en collaboration avec l’ambassadeur des Etats Unis, et notre prochaine étape est en principe à Dabakala, en zone contrôlée par l’ex- belligérant. Le président Jean-Louis Billon qui est le maire de la commune nous a donné son accord de principe. Je ne peux pas avancer de date pour le moment mais, ce sera au mois de mai. On attend donc la confirmation, parce qu’effectivement, le tout est de poursuivre l’œuvre du général Blé Goudé qui a fait la caravane dans la zone gouvernementale. Mais il n’a pas le don d’ubiquité, donc il ne peut être partout à la fois. Le ‘’Général’’ nous a ouvert la voie, nous suivons le mouvement. Il faut donc aller dans l’autre zone, parce que la symbolique se trouve là bas. Quelles sont vos motivations pour cette croisade de la paix ? Il fallait qu’un mouvement de soutien estampillé Gbagbo sillonne le pays pour réconcilier, pacifier, afin de démontrer que Gbagbo égale paix, et paix égale Gbagbo. Et puisqu’on fait la paix avec les autres, nous allons vers eux, pour faire partager notre slogan ‘’Oublions le passé, regardons l’avenir car l’essentiel c’est la Côte d’Ivoire’’. Sans être laudatif, qui mieux que nous, Ivoiro-libanais, connaît les affres d’une guerre ? Nous avons vécu une guerre de 17 ans, qui a ravagé le pays, causé des deuils et des innombrables mutilés.

Guillaume N’Guettia
Le Matin d'Abidjan