mercredi, 5 septembre 2007

Lecture très importante

S. : A l’avènement des refondateurs, un programme était proposé aux Ivoiriens. Pouvez-vous revenir sur votre projet de société et en même temps établir le bilan de votre mandat.

L.G. : Nous sommes venus avec des grandes ambitions pour la Côte d’Ivoire. Nous avions des grands chantiers à réaliser. Il y avait l’assurance maladie universelle, l’école gratuite pour tous, la libéralisation de la filière Café-Cacao. Une fois élu, je me suis penché sur le transfert de la capitale politique d’Abidjan à Yamoussoukro. Je n’ai pas honte du bilan que nous avons eu en rapport avec la guerre que nous avons connue. Le transfert de la capitale d’Abidjan à Yamoussoukro avance. Nous avons quatre grands bâtiments à construire pour que les choses marchent. Le palais de l’Assemblée nationale, l’hôtel des députés, le palais présidentiel et une deuxième chambre. Pour l’instant ce sera le Conseil économique et social. Mais j’ai en vue que demain cela devienne le Sénat. Nous avons achevé totalement l’hôtel des députés. Nous sommes en train de commander les meubles pour le rendre fonctionnel. L’Assemblée nationale est sortie de terre. Elle a cinq étages. Nous sommes déjà en train de terminer le premier étage. Nous faisons une Assemblée nationale de cinq cents places. On n’aura pas cinq cents députés. Mais c’est une façon de faire en sorte que dans l’avenir mes successeurs n’aient pas de problème. Le palais présidentiel sera très original. A partir de septembre, octobre les poteaux qui vont porter les murs sortiront de terre. Nous n’avons pas encore commencé le Sénat. Ensuite, on fera l’habillage. Nous avons l’autoroute que je veux continuer jusqu’à la frontière du Burkina. Nous avons lancé les travaux de l’autoroute, il y a de cela deux semaines. Nous n’avons pas achevé mais déjà il était en chantier. Nous avions supprimé les frais d’écolage qui grevaient le budget des parents inutilement . Nous distribuons des livres pour la plupart des écoles primaires. Nous devrions aller plus loin. Mais la guerre a freiné nos ambitions. Pour l’Assurance maladie universelle, (AMU) nous avons fait voter la loi. Malheureusement l’AMU également n’a pas connu d’application pour cause de guerre. Nous avons vraiment posé les bases de la refondation de la Côte d’Ivoire. La plupart des textes législatifs sont pris. Il y a aussi la décentralisation. Nous avons d’abord créé les conseils généraux des départements. Aujourd’hui tout le monde est unanime. Tous ceux qui avaient récusé la loi, ce sont tous présentés aux élections. Il y a les présidents des conseils généraux de toutes les familles politiques. En 2000, la Côte d’Ivoire avait 198 communes. Aujourd’hui nous en avons plus de 700. Tous les villages, tous les sites habités de Côte d’Ivoire sont dans une commune. Ici Koudougou a été érigé en commune (rires), c’est un gros village d’Ivoiriens mais d’origine burkinabè.
Tous les projets pour les régions sont prêts. Mais nous attendons peut-être la rentrée pour les mettre sur pied. Je n’ai pas les bilans. Les écoles sont construites dans des lieux où personne n’allait. Les centres de santé sont construits. Les gens ont leur destin en mains. La démocratie ce n’est pas seulement aller aux urnes tous les cinq ans, mais c’est aussi porter les fruits de l’effort vers les populations à la base.
On a rendu beaucoup de liberté aux Ivoiriens. Nous ne nommons plus de recteurs en conseil de ministres. Nous avons des présidents des conseils d’universités élus. Mon esprit c’est de donner aux gens leur propre pouvoir. D’ailleurs pendant la campagne, j’ai dit aux Ivoiriens, donnez-moi le pouvoir pour que je vous le rende.

S. : La filière Café-Cacao échoit aux paysans sans trop de réussite.

L.G. : Cette filière a été rendue aux paysans. C’est vrai. Ce sont donc des paysans eux-mêmes qui géreront leurs productions. Moi j’observe. Quand on dit que c’est mal géré, je rigole dans mon coin et je prends des notes pour que demain on fasse une autre réforme, pour que les paysans aient toujours leur filière. Quand les gens n’ont pas l’habitude d’avoir beaucoup d’argent et que subitement ils en ont beaucoup, il y a parmi eux, certains qui se laissent un peu aller. Nous avons rendu beaucoup de liberté aux Ivoiriens.

S. : N’est-ce pas un piège? Quand on n’a pas l’habitude d’avoir beaucoup d’argent, on perd la tête lorsque subitement on en dispose assez. N’est-ce pas pareil avec la liberté qui, d’un coup, tombe entre les mains ?

L.G. : De toutes les façons, c’est la liberté et il faut récolter les dividendes. J’ai par exemple décidé de ne mettre aucun journaliste en prison, c’est aussi un des points de mon programme. Je ne supprime pas pour autant leur liberté parce qu’ils l’utilisent mal. Je n’ai jamais mis un journaliste en prison. Mieux, j’ai fait voter une loi interdisant d’envoyer les journalistes en prison. En Afrique on ne compte pas beaucoup de pays qui ont fait pareil et en pleine guerre. Donner la liberté aux gens, c’est leur donner la capacité de choisir. J’attends dans un moyen terme que les gens aussi laissent les dirigeants diriger. On ne peut pas avoir tous les résultats en même temps. C’est certainement dans un moyen terme qu’il faudra attendre ces résultats.

S. : Guillaume Soro a d’abord été votre élève, ensuite votre opposant le plus redouté et aujourd’hui il est votre Premier ministre. Quelle est la nature de vos relations avec Soro ?

L.G. : Ce sont des relations entre un président et un Premier ministre. C’est la loi de la vie.

S. : Est-ce qu’il y a de l’affectivité ?

L.G. : Soro et moi on se connaît depuis longtemps. C’est l’un des rares de sa génération qui connaît mon village, qui a dormi dans ma maison au village. Je n’ai pas de problèmes avec Soro. La vie a des aléas, la vie n’est jamais linéaire. Et puis la vie n’est jamais un long fleuve tranquille. Il faut s’adapter. Quand on fait la politique il ne faut jamais dire un mot qui puisse définitivement fermer une porte. C’est ce que j’ai appris tout au long de mon long parcours. On peut critiquer, on peut être dur. Mais il ne faut jamais dire un mot qui ferme la porte. J’ai toujours des portes ouvertes, ce qui me permet aujourd’hui de travailler avec Soro Guillaume.

S. : Si en un mot vous deviez qualifier les relations avec le Premier ministre que diriez-vous ?

L.G. : Elles sont bonnes

S. : Avec Charles Konan Bany c’était un tandem. Et avec Soro ?

L.G. : Non non, les relations avec Soro Guillaume sont merveilleuses.

S. : Vous avez des propos quasi messianiques. Pourquoi êtes-vous si attaché à la religion ?

L.G. : La religion reste le dernier refuge de l’homme. C’est ce qui explique tout ce qu’on ne peut pas expliquer. Il y a tellement de choses qu’on ne peut pas expliquer. J’ai mené une longue vie. J’ai 62 ans maintenant. J’ai traversé beaucoup de choses. J’ai connu beaucoup d’ethnies. J’ai vécu chez des Baoulé, au quartier Dioula, j’ai eu des amis de toutes origines ethniques, sociales etc... et cela me permet de relativiser les choses de la vie. Ne pas être si triomphaliste quand vous avez une victoire. Mais ne pas être désespéré quand vous avez un revers. Mais tout cela est possible quand on pense qu’il y a quelque chose qui est supérieur. Il y a Dieu. Mes rapports avec Dieu ne sont pas des rapports de complaintes, mais ce sont des rapports vivants. Tant que je fais mon travail en ayant la conscience tranquille, je repose sur Dieu. Au moins une fois par jour, j’avance l’esprit tranquille.

S. : Vous n’êtes pas déçu des hommes ?

L.G. : Mais si ! Les hommes ne sont pas Dieu. L’essentiel c’est que je ne suis pas déçu par Dieu. Dès l’instant où on n’est pas déçu par Dieu, la déception qui vient des hommes n’est pas importante.

S. : Quelle peut être la nature aujourd’hui des relations entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso ?

L.G. : Fondamentales. Elles doivent être fondamentales. Je pense que la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso doivent avoir une union qui soit la base même de l’Union Ouest africaine. Dans l’histoire coloniale de l’Afrique de l’Ouest, il n’y a pas deux pays qui ont été aussi intimement liés que la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso. Ils ont été liés au point de former un seul pays. Ouagadougou était la deuxième ville de Côte d’Ivoire. Bouaké en était la troisième, et Abidjan la première. Ouezzin Coulibaly était député de la Côte d’Ivoire. Houphouët Boigny faisait campagne à Ouagadougou chez le Moro Naaba pour être député. Il ne faut pas l’oublier. C’est pourquoi quand les politiciens, avec tous les sens péjoratifs, veulent instrumentaliser les difficultés des Burkinabé en Côte d’Ivoire, ils font mal. Ils font mal à des êtres humains, à des relations entre deux pays. Parce que les rapports qui existent en Côte d’Ivoire entre les Ivoiriens et les Burkinabé sont des rapports tout à fait différents. Mais nous devons avoir l’intelligence de les codifier de façon particulière puisque l’histoire a été particulière pour nos deux pays. Je ne connais pas une ville en Côte d’Ivoire, où il n’y a pas de Burkinabè. Même dans mon petit village de Mama, il y a un quartier où il y a des Burkinabè. Quand j’arrive au village, ils viennent m’accueillir avec un coq. On a eu cinq ans de crise. On a dit que les étrangers étaient chassés, pourchassés par la xénophobie. Les Burkinabé qui sont dans mon village, n’ont jamais bougé.
Les villages de Koudougou, de Koupéla, de Garango n’ont jamais été inquiétés. C’est ça les relations entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso. C’est pourquoi nous devons codifier ces rapports de façon particulière.

S. : Avec la France, est-ce que vos rapports se normalisent

L.G. : Oui, j’ai reçu un coup de fil du président Sarkozy et cela m’a fait plaisir.
La France est un pays développé, c’est peut-être la 4e puissance du monde. Nous en tenons compte dans nos rapports. C’est un pays développé, un pays qui a un veto au Conseil de sécurité. En un mot, c’est un pays puissant. Mais je pense que chacun dirige sa diplomatie comme il pense qu’elle est utile à son pays. C’est ce que nous faisons.

S. : Des Burkinabè se sont retrouvés en association dénommée “Club des amis de Laurent Gbagbo” au Burkina. Avez-vous eu connaissance de la création de cette association et qu’en pensez-vous ?

L.G. : Oui, j’ai pris connaissance de l’existence de ce club dans les journaux en Côte d’Ivoire. Mais je n’ai pas encore rencontré les membres de ce club. Peut-être que s’ils viennent en Abidjan, je les rencontrerai. C’est une bonne chose.

S. : En général ces associations sont créées pour soutenir ceux qui nous dirigent seulement. Cela ne vous semble-t-il pas suspect ?

L.G. : Je n’en sais rien. Je ne vais pas juger les gens. Ils ont créé leur association, je ne les connais même pas. Je suis toujours pour laisser la liberté aux gens, pourvu que ça ne nuise pas à la loi.

S. : A quand la prochaine visite du “Camarade” Laurent Gbagbo à Ouagadougou ?

L.G. : Pour le moment on a beaucoup de choses à faire. J’appelle Blaise. Quand il est là, il m’appelle. Pour le moment on a beaucoup de choses à faire pour normaliser la situation. Quand il y a quelque chose à faire à Ouaga, je vais on parle et je reviens. Quand il y a quelque chose à faire à Abidjan, Blaise y vient. Ce n’est pas un problème.

S. : Votre épouse tient une place particulière à votre côté. Si en quelques mots vous deviez parler d’elle, que diriez-vous ?

L.G. : Ce n’est pas une place particulière. Elle est un élément fondamental du FPI. Le jour où on créait le FPI, il y avait Pascal Kokora, Abdoudramane Sangaré, Simone Ehivet, Boga Doudou et Laurent Gbagbo. Nous étions cinq. Simone n’est pas une fille que j’ai épousée parce que je suis devenu président de la République. Nous luttons ensemble depuis des lustres. Quand nous avons tenu le congrès extraordinaire pour doper le FPI clandestin c’était en 1988, on était vingt. Il y avait deux femmes. Mon épouse et ma soeur. C’est-à-dire que si nous avions été pris, ma soeur, mon épouse et moi aurions été arrêtés. Elle est un élément important comme Sangaré Abou Dramane avec qui nous avons créé le FPI. Ce n’est pas parce qu’il est mon ami qu’il est avec moi. C’est parce que nous venons de la même racine que nous sommes ensemble, et que nous sommes amis. Et ma femme c’est ainsi. Ce n’est pas parce que je l’ai épousée que ça a changé quelque chose pratiquement. C’est peut-être parce que nous sommes comme ça que nous nous sommes mariés.

S. : Excellence, nous sommes au terme de cet entretien. Nous vous laissons le soin de conclure.

L.G. : Je voudrais dire au peuple burkinabé que cette guerre a fait du mal à nos rapports. Mais je pense que si nous sommes intelligents, elle nous a ouvert les yeux aux uns et aux autres. La guerre nous a montré ce qu’il ne faut pas faire. C’est-à-dire croire bêtement à ce que tous les pêcheurs en eau trouble racontent. Peut-être qu’il y a des gens qui ont intérêt à ce qu’il n’y ait pas de bons rapports entre la Côte d’Ivoire et le Burkina. Mais j’ai des attaches terribles avec le Burkina. Quand j’allais en exil, c’est par le Burkina que je suis passé. Or si je n’avais pas été en exil peut-être qu’aujourd’hui, je ne serai pas assis ici comme chef de l’Etat. J’ai tellement de souvenirs avec le Burkina. Et puis Blaise Compaoré, je ne le connais pas parce que je suis devenu président. Depuis 1989, je le connais. Je n’ai aucun problème, aucun complexe ni d’infériorité, ni de supériorité par rapport au Burkina. Il faut que chaque Burkinabé soit comme cela aussi vis-à-vis de la Côte d’Ivoire. C’est vraiment ce que je souhaite.

Voici ce que dit le Pr à propos des gardes

S. : Les grades des militaires constituent-ils le talon d’Achille des Accords de Ouagadougou ?


L.G. : Notre armée n’a pas gagné la guerre. Et moi avec, puisque j’en suis le chef suprême. Il y a deux manières de sortir de la guerre. Ou bien on en sort par une victoire, ou on en sort par une défaite. Mais on ne l’a pas perdue non plus. Si les FANCI avaient gagné la guerre, on ne parlerait pas de grades aujourd’hui. Ce serait vain. C’est une donnée que les gens n’ont pas souvent dans leur réflexion. Si on n’a pas cette donnée, toute la réflexion est caduque. Sinon qu’est-ce que nous serons allés chercher à Marcoussis, à Kleber, à Accra I, Accra II, Accra III, à Pretoria et même à Ouagadougou. Si nous avions gagné la guerre, on n’aurait pas connu tout cela. Dès l’instant où on n’a pas gagné la guerre, on en sort par des négociations politiques. C’est ce que nous sommes en train de faire. Alors les gens qui ont pris leur grade dans les maquis, je les reçois puisque c’est avec eux que je négocie. A mon avis, la question des grades est un petit problème, puisqu’il y a une série de problèmes à régler.
Je voulais mettre fin à la division de la Côte d’Ivoire en deux. C’est fait. Je voulais voir la disparition de la zone de confiance. C’est fait depuis plusieurs mois. J’ai obtenu l’uniformisation des examens dans les écoles. J’ai obtenu l’affectation des magistrats, des médecins. Pour moi, ce sont des questions plus importantes que le problème des grades de trente personnes. Aujourd’hui le port d’Abidjan reprend, l’économie reprend ses activités. Il ne se passe pas de semaine sans qu’on ne reçoive des investisseurs. C’est le plus important. C’est prioritaire par rapport au règlement des questions de grades. Quand vous négociez vous pouvez connaître une impasse en mettant en avant des questions touchant aux susceptibilités. Il faut privilégier les grands principes.

SANCTIONS ONUSIENNES CONTRE BLE GOUDE:L’Afrique contre-attaque

INTERVIEW sur Africa n° 1

SANCTIONS ONUSIENNES CONTRE BLE GOUDE:L’Afrique contre-attaque



Après l'accord de Ouaga qui scelle la paix en Côte d'Ivoire et recommande la levée des sanctions individuelles de l'ONU, Blé Goudé, leader de la galaxie patriotique est monté au créneau hier pour dénoncer l'activisme de la France à ce sujet. Hier, il était sur Africa n° 1 où il a eu le soutien de nombreux auditeurs.
M. Charles Blé Goudé, vous êtes le leader des jeunes patriotes de Côte d'Ivoire. Comment expliquez-vous le maintien des sanctions de l'Onu contre votre personne, alors que les accords de Ouagadougou demandent leur levée immédiate ?
Ecoutez monsieur, je me pose la même question que tout le monde. Je me demande si ces sanctions sont liées à ma personne, ou sin elles sont liées à la crise ivoirienne. Si ces sanctions sont liées à la crise ivoirienne, tout le monde s'accorde à dire que la situation en Côte d'Ivoire a positivement évolué. Et, si la situation en Côte d'Ivoire a évolué, il y a des acteurs qui y ont contribué, qui y ont travaillé, qui y ont semé la graine de la paix. Pendant 4 mois, j'ai fait le tour de la Côte d'Ivoire.
Je l'ai fait pour la Côte d'Ivoire. Mais je ne comprends pas pourquoi au moment où on parle de réconciliation en Côte d'Ivoire, au moment où tout le monde a retrouvé la paix, on maintient encore ces sanctions. C'est pourquoi je me demande si ces sanctions sont liées à ma personne ou à la crise ivoirienne; il faut qu'on me donne une réponse concrète.

M. Charles Blé Goudé, vous avez accordé une interview aux médias où vous accusez la France ?
J'accuse la France. Pour moi, l'Afrique est divisée en deux. Vous avez l'Afrique anglophone et l'Afrique francophone. L'Afrique francophone est la sphère qu'influence la France. Alors, sous le couvert de l'Onu, c'est la France qui agit en Côte d'Ivoire, c'est la France qui a reconduit les sanctions contre Blé Goudé. Parce qu'à l'Onu, le système est tel qu'il faut qu'une puissance parraine les sanctions.
C'est la France qui a parrainé les sanctions contre Charles Blé Goudé. C'est compte tenu des rapports qu'elle entretient avec la Côte d'Ivoire qu'elle a parrainé les sanctions contre ma personne. Parce que je ne comprends pas aujourd'hui qu'on dise que la situation a évolué en Côte d'Ivoire et que la France ne veuille pas que l'Onu lève les sanctions contre Blé Goudé. Je dis que la France a peur, elle ne veut pas que le règlement du conflit en Côte d'Ivoire soit un cas d'école en Afrique.

Mais n'est-ce pas là une accusation fallacieuse, Charles Blé Goudé ?
Je n'invente rien du tout cher Monsieur, le constat c'est qu'à l'Onu, c'est la France qui a parrainé cette sanction. J'ai rencontré des acteurs de l'Onu qui sont en Côte d'Ivoire qui ont dit que c'est la France qui parraine les sanctions à l'Onu contre Charles Blé Goudé et ses camarades. Donc il appartient à la France de demander qu'on lève les sanctions contre Blé Goudé et ses camarades. C'est de cela qu'il s'agit; je n'ai rien inventé et la France sait de quoi je parle. Si elle ne veut pas lever ces sanctions, elle a ses raisons. Si ces sanctions sont liées à la crise qui secoue mon pays, je ne vois pas les raisons de leur maintien puisque la crise tend à prendre fin. Il faut donc que la France évite de m'accuser, de me prendre pour celui qui a créé des problèmes en Côte d'Ivoire. Je le dis pour nos relations futures. Il vaut mieux discuter maintenant que de le faire plus tard. Parce que demain, nous ferons partie de la classe politique ivoirienne.
Donc il est bon que la France cherche à comprendre nos actions au niveau d'Abidjan. Quand un élève a mal travaillé, vous le notez mal. Mais quand il travaille bien, vous le notez bien. Donc si ce n'est pas le cas, c'est que le problème est ailleurs. Il faut qu'on me l'explique.

(Un auditeur de Africa n° 1) :
Je remercie Charles Blé Goudé et le félicite pour tout le courage qu'il a eu et ce combat patriotique qu'il a mené pour la Côte d'Ivoire. Il faut dire que Charles Blé Goudé ne doit pas être surpris de ce qui se passe. Car nous avons bien identifié celui qui fait que la tête du poisson est pourrie, c'est-à-dire la France. Nous savons que la France est à l'origine de tout ce qui arrive en Côte d'Ivoire, alors il ne faut pas qu'il soit surpris que la France ne veuille pas qu'on lève les sanctions. C'est le contraire qui devrait plutôt le surprendre. Mais au vu de ce qui se passe, il est normal aussi que certains soient dénoncés. Parce qu'un accord a été signé à Ouagadougou. Dans cet accord, il est bien prévu la levée des sanctions contre tous ceux qui avaient été identifiés comme un obstacle au processus de paix. Ils avaient été sanctionnés de manière individuelle.
Aujourd'hui, que ce soit au niveau de l'Onu, au niveau de tous les pays développés ou des pays africains, tous sont unanimes pour dire que le train de la paix est vraiment sur les rails en Côte d'Ivoire. M. Charles Blé Goudé a pris le courage de se rendre en zone sous contrôle rebelle où il a tenu des meetings de la paix, au risque même de sa vie. M. Blé Goudé a sillonné toute la Côte d'Ivoire pour pouvoir prêcher le message de la paix dans le cœur des tous les Ivoiriens. Mais dites-moi, qu'est-ce qu'on lui reprochait ? On lui reprochait de faire certaines choses anormales. C'est curieux ! Moi je dis qu'on lui reprochait simplement le fait de défendre sa patrie. Maintenant que Charles Blé Goudé a sillonné la Côte d'Ivoire pour faire la paix avec tout le monde, et qu'il a un comité qui travaille dans ce sens, ces sanctions n'ont plus leur raison d'être.

Vous parlez tous de la France, mais à l'Onu il n'y a pas que la France. Il y a d'autres pays au Conseil de sécurité de l'Onu ? Même à Abidjan, il y a aussi les représentants de l'Onu.
(Un auditeur d'Africa n° 1)
: N'oubliez pas une chose, nous parlons des sanctions de l'Onu qui ont été prises à l'égard de certaines personnes de façon individuelle. Ces sanctions doivent être levées. Et si la France avait une conscience, elle devait lever ces sanctions puisque la paix est revenue en Côte d'Ivoire.
Les acteurs politiques en Côte d'Ivoire se sont réconciliés. Nous Français qui avons demandé des sanctions individuelles, il faudrait que nous fassions comprendre à l'Onu que la paix étant revenue en Côte d'Ivoire, il faut que ces sanctions prises de manière individuelle soient levées. Voilà, c'est de cela qu'il s'agit.

M. Charles Blé Goudé, est-ce que vous avez entrepris des actions au niveau d'Abidjan pour que ces sanctions soient levées ?
Vous savez, on veut me mettre dans une condition d'éprouvette, dans une position de mendicité. Moi je refuse cette condition. C'est l'Onu, au vu de ce qu'elle pensait être des actions qui entravent le processus de la paix, sur rapport de la France, qui a pris ces sanctions.
Mais je dis que l'Onu a ses relais en Côte d'Ivoire; il y a des fonctionnaires internationaux de l'Onu ici. Ce sont ceux-là qui ont fait un rapport négatif; ils ont constaté selon leur regard qu'il y avait une entrave au processus de paix. Mais tel qu'ils le constatent, par rapport au processus de paix qui a avancé en fonction de nos actions que nous avons posées sur le terrain. Il revient alors à ces derniers de dresser un rapport à l'Onu et à la France pour leur dire de changer de lunettes en regardant Blé Goudé à nouveau.
On m'a donné une documentation à remplir, je ne peux pas remplir cette documentation.

Qui vous a donné cette documentation ?
En tout cas, c'est un document que j'ai reçu de l'Onu par voie de poste. C'est un document où on m'explique la procédure à suivre mais je trouve qu'elle est humiliante.

Qu'est-ce qu'on vous demande de faire alors ?
C'est un genre de formulaire à remplir dans lequel je demande que les sanctions soient levées. Je ne suis pas surpris parce qu'ici en Côte d'Ivoire, l'on veut maintenir l'hégémonie française. Et donc l'on a peur que le patriotisme que nous sommes en train de développer en Côte d'Ivoire, et tout ce que nous sommes en train de poser comme actions en Côte d'Ivoire, fassent tâche d'huile et soient un cas d'école en Afrique.
C'est de cela que les gens ont peur.

Mais, vous avez eu à rencontrer l'ambassadeur, qu'est-ce qu'il vous a dit au sujet des sanctions ?
Ce n'est pas moi qui ai rencontré l'ambassadeur de France en Côte d'Ivoire. Il y a les membres de l'Alliance patriotique en Côte d'Ivoire qui, au moment où ceux qui ont pris les armes sont dans le gouvernement, et même à la tête de la primature et qu'un accord a été signé, ne comprennent pas que celui-là même qui a parcouru toute la Côte d'Ivoire pour demander aux gens de se parler et d'oublier le passé ploie sous le poids des sanctions.
Et qu'il ne peut pas bouger, qu'il soit mal vu à l'extérieur du pays. Ces derniers ont rencontré un certain nombre de diplomates et l'ambassadeur de la France en Côte d'Ivoire. Ce dernier leur a dit qu'il prendrait les décisions qui s'imposent pour que ces sanctions soient levées. Je ne comprends pas pourquoi elles existent encore ! Cela dit, moi je n’irai pas pleurer auprès de qui que ce soit. Nous nous battrons pour que notre pays retrouve la dignité, nous nous battrons pour que nos compatriotes retrouvent leur dignité.
Ecoutez ! Moi je ne suis pas né dans un avion. Mon père il est au village, il reste dans ce pays. Mais je n'accepterai pas qu'on fasse défiler à longueur de journée, me concernant, une image négative qui n'est pas la mienne.

Propos recueillis
sur Africa n° 1 par G. R

dossier important partie 3

Charles Blé Goudé : “La France a peur que le patriotisme ivoirien influence sa sphère”



Je veux vous dire qu’il faut aller au-delà, comprendre les motivations profondes de cette sanction. Ceux qui pensent que parce que la crise a pris fin et qu’on va lever aussi facilement les sanctions contre Blé Goudé, se trompent. La France a peur que le patriotisme ivoirien influence sa sphère, la Francophonie. Elle a peur que je parle aux Togolais, elle a peur que je parle aux jeunes des autres pays. Elle a donc peur que je sorte. La France a peur, elle tremble.
Elle ne veut pas avoir affaire à une nouvelle classe politique en Afrique. Et tant que la France ne m’aura pas maîtrisé, elle ne dira pas à l’ONU de lever les sanctions. Mais, je garderai, à titre de souvenir, le document qui m’a été remis. Je vais le plaquer dans un album.
Si tant est qu’il est vrai que j’ai été sanctionné, parce que, comme ils le disent, je bloque le processus de paix, c’est moi qui l’ai débloqué. C’est moi qui ai débloqué le processus de paix. Oui ! Les acteurs politiques, au niveau étatique, ont joué leur rôle, mais à la base, j’ai joué ce rôle. Est-ce faux ? En tout cas, tout le monde l’a vu, ici. Il faut être aveugle pour ne pas le voir.
Et pourtant, des pressions continuent de peser sur moi et on m’envoie un document à remplir. Je dis et je le répète, je ne pense rien de ces sanctions et je ne remplirai aucun document et je n’adresserai aucune lettre à qui que ce soit. C’est l’ONU qui apprécie, parce qu’elle a une représentation ici, le processus de paix et qui a fait le rapport sur moi.
C’est donc sur la base de ce rapport que j’ai été sanctionné. Maintenant qu’on dit que le processus évolue, que la situation change positivement en Côte d’Ivoire, on ne doit pas oublier que ce n’est pas par la magie qu’elle changé. Ce sont des acteurs qui ont fait changer la situation. Donc, quand on fait un rapport et qu’on dit que la situation évolue, il faut dire qui a fait évoluer la situation. Dès cet instant, vous êtes obligé d’enlever vos lunettes pour me regarder autrement.

La France
Je demande donc à la France de négocier maintenant, parce que tôt ou tard, elle négociera avec moi. Je m’arrange et je travaille à cela, pour jouer un rôle important dans la gestion de l’Etat de Côte d’Ivoire. Parce que avec ce que je fais, je ne peux plus devenir footballeur ou bûcheron. Je suis obligé de faire partie de la classe politique ivoirienne de demain. Au lieu de me brimer, de m’acculer, il vaut mieux que la France apprenne à négocier maintenant et à mieux me connaître. C’est important pour tout le monde.
Je ne comprends pas. Il est écrit noir sur blanc, dans l’Accord de Ouaga (point VI) qu’il faut que l’ONU lève immédiatement les sanctions qui pèsent sur certains Ivoiriens. Pourquoi veut-on que je fasse prévaloir ma situation ? Ai-je fait prévaloir ce qui se passe actuellement ? Est-ce moi qui a fait prévaloir Soro comme Premier ministre ou le nouveau gouvernement ? Un accord est signé, il faut simplement l’appliquer. C’est tout.

Ma part de vérité
J’ai déjà expliqué les raisons qui m’ont amené à écrire ce livre. J’estimais qu’à un certain moment, n’importe qui disait n’importe quoi sur notre pays et c’était des contrevérités. On voulait écrire notre histoire à notre place, comme on en a eu l’habitude. Et me considérant comme un acteur, j’ai décidé de dire ce que je sais. Et c’est ce que j’ai fait dans cet ouvrage. Je ne vais pas revenir sur les différents chapitres. Ceux qui ont lu l’œuvre savent de quoi il s’agit. Beaucoup d’Ivoiriens l’ont lu, je peux l’affirmer. J’ai dû arrêter les séries de dédicace dans les quartiers, dans les villes et autres. « Ma Part de Vérité », sans risque de me tromper, s’est bien comporté pour un premier livre sur le terrain.
J’ai trouvé des aînés sur le terrain, je pense que la concurrence est rude, mais on fait en sorte de se positionner. Les Ivoiriens ont bien accueilli cet ouvrage et je voudrais leur dire merci. Puis, je voudrais dire aussi merci à Fraternité Matin qui a bien voulu accepter d’éditer ce livre. C’était un défi pour nous d’éditer ce livre-là ici, dans notre maison. Je ne vois aucune raison qui me pousserait à aller éditer un livre en France, alors que mon pays a la technique, les moyens qu’il faut pour le faire!
Je l’ai fait, je l’avais déjà dit, je l’assume. Je voudrais vous féliciter (Fraternité Matin) d’avoir accepté de prendre ce risque-là avec moi. Et je pense que notre aventure a été bien accueillie par les Ivoiriens. C’est un livre où j’ai dit beaucoup de choses, où j’ai accusé d’autres personnes, où j’ai dit ma part de vérité.
Cela peut ne pas être juste, mais c’est ce que je croyais être juste, en ce qui concerne cette crise! Aujourd’hui, on parle de bilan à mi- parcours parce qu’une œuvre ne meurt jamais. Des générations pourront lire, et ceux qui voudraient se faire une idée sur la crise ivoirienne, pourront s’informer et le prendre comme document de base.

Prochain livre
Oui, j’ai fini d’écrire ma deuxième œuvre, qui doit sortir d’ici peu. Nous sommes en pourparlers avec la Direction commerciale de Fraternité Matin. Mais je crois que, en principe, pour être logique avec moi-même, je ne devrais pas aller ailleurs. Autrement, cela voudrait dire que cette maison m’a déçu; ce qui n’est pas le cas. C’est Frat-Mat qui va éditer mon deuxième ouvrage dont le titre n’est pas loin de la crise ivoirienne et qui est : Et pourtant, c’était le chemin .
Je me réfère aux Accords de Ouagadougou, où la France a laissé les Ivoiriens discuter entre eux, sans les enfermer dans un univers carcéral, comme à Marcoussis. Et dès qu’on les a laissés discuter entre eux, ils ont trouvé l’accord qu’il fallait et tout le monde est d’accord. Et pourtant, c’était le chemin !
Soro Guillaume a laissé les armes et il est venu parler avec Gbagbo Laurent. Ils ont dialogué. Et pourtant, c’était le chemin. Les pays africains sont en train de faire bloc autour de la Côte d’Ivoire en guise de solidarité. Vous lirez dans cet ouvrage. « D’un stade à un autre ». C’est là que vous rentrerez dans une étude comparative, d’un stade de rugby à un stade de football. Vous prenez le stade de rugby de Marcoussis et le stade de football de Bouaké, c’est là que l’on peut retenir l’influence que le football a sur tout le monde.
Vous voyez aussi le rugby, ce qu’il faut aux acteurs, c’est la force, la brutalité… ; vous voyez aussi les acteurs de rugby ; il y a 15 au départ, donc 30 au total .Vous voyez à Ouagadougou, on a réduit les acteurs. Vous aurez par exemple «Du temps des héritiers, du temps des fils à papa au temps des papa à fils». Il y a des années où l’on disait «voici le fils de telle ou telle personnalité». Maintenant, on dit : «voici le papa d’un tel…». Des gens qui sont issus d’une classe sociale faible, ont réussi à révéler leur famille par leur talent. Ils ne sont pas, parce que papa a été.

Rapport avec le Premier ministre
Le Premier ministre et moi travaillons discrètement, loin des regards, loin des bruits. Nous travaillons pour l’avenir de notre pays et de notre génération. Nous ne faisons pas de spectacle parce qu’on a n’en a pas besoin. Le Premier ministre et moi, nous nous sommes connus en prison où nous avons séjourné à trois reprises.
Donc, si ce fait peut aider les Ivoiriens à retrouver la paix, il faut l’encourager. Nous n’avons pas besoin que les médias se servent de nos rencontres. Il faut travailler discrètement ; Car, tout ce qui est discret est efficace. Voyez-vous, je ne pouvais pas entrer à Bouaké, en son temps, sans l’accord du Premier ministre. Je suis entré le 9 juin, à Bouaké. Mais comment ? J’ai été accueilli de Djébonoua jusqu’à Bouaké par une liesse populaire. Le Premier ministre n’a pas trop le temps. Il fait son travail d’homme d’Etat moi je fais le mien sur le terrain. Mais le but commun recherché est l’aboutissement à la paix.

Rapports avec Watao.
Quand vous prenez le début du spot de « La caravane de la paix », j’ai dit que la valeur du pardon réside dans la gravité de l’acte du pardon. Si je casse un verre qui vous appartient et vous pardonnez, vous n’avez rien fait ; mais si quelqu’un tue votre fils où votre parent, et que vous lui accordez le pardon, cela a une grande valeur. C’est pourquoi je me suis autorisé, en me basant sur d’autres situations similaires, à aller vers ceux que nous prenions comme nos ennemis. Je vous prends le cas du Rwanda : la campagne a été entamée, conçue, et faite par les Tutsi et les Hutu. Mais l’on sait ce que les premiers ont vécu au Rwanda. Ce pays aujourd’hui est un lieu touristique. Je souhaite que la Côte d’Ivoire suive cet exemple.
En Afrique du Sud, il n’y a plus de distinction entre les Noirs et les Blancs, mais on sait que ces Noirs ont souffert dans l’histoire de l’apartheid. Je me suis dit, si ces deux pays ont réussi à faire leur métamorphose, alors la Côte d’Ivoire peut aussi réussir ce processus. Il faut que les victimes acceptent de pardonner.
Ici, publiquement, à Fraternité Matin, je vous demande pardon. Si Wattao vous a fait du mal, il faut accepter de lui pardonner ; sinon pendant combien de temps allons-nous rester dans cette situation ? Nous qui sommes au devant de la scène, notre rôle n’est pas toujours de vous pousser à la révolte, mais de calmer les uns et les autres. J’ai été chez Wattao ; c’était pour montrer aux uns et aux autres que rien de fondamental ne nous oppose. Et que de notre division, on peut arriver à rapprocher nos positions.
Ce monsieur, j’ai appris à l’écouter, à le connaître. Et je pense, s’il est au devant des choses, qu’on peut ramener la paix dans ce pays. Pourvu qu’on fasse une campagne pour montrer aux uns et autres, qu’on peut passer d’une position de face à face à une position de côte à côte. Il faut pardonner. Pour nos enfants et nos petits-enfants. A un moment donné, dans la vie, on peut faire une erreur, mais c’est celui qui ne fait rien qui ne fait pas d’erreur. Arrêtons-nous et regardons l’avenir. Moi, je connais son influence dans la zone des Forces nouvelles. Et je me suis dit qu’on peut travailler ensemble. Je suis en train de travailler pour un rapprochement entre Mao Glofiéhi et Wattao pour qu’on le reçoive à l’Ouest.
Donc, ne soyez pas surpris de l’arrivée de Wattao dans les prochains jours à l’Ouest. Je travaille, également, pour que le Premier ministre, Soro Guillaume, parte à l’Ouest et à Yopougon. Surtout, depuis que la situation en Côte d’Ivoire s’est décrispée.
Cette paix

Il n’est pas question d’y croire ou pas. Il faut travailler à cela. La sincérité et la confiance ne se vendent pas au marché. C’est un combat perpétuel, de tous les jours. Et, dans tous les conflits, le blocage vient toujours, lorsqu’on attend la sincérité de celui qui est en face. Il faut poser des pas, des actes pour montrer à celui qui est en face que vous êtes sincère. Et, un jour, lui aussi va vous montrer qu’il est sincère.
Pour moi, chaque Ivoirien doit travailler pour qu’on sorte de cette situation. C’est n’est pas une affaire de Laurent Gbagbo, Guillaume Soro, Wattao, Philippe Mangou et Blaise Compaoré seulement. Mais de tout le monde. Pour protéger donc cette Flamme de la Paix, il faut employer des stratégies de communication. Moi-même, je suis communicateur et je travaille dans ce sens.

Dossier important partie 1

Introduction
Je voudrais remercier le Groupe Fraternité Matin de nous inviter pour la seconde fois. Je pense que c’est une marque de considération que je voudrais retourner à ce groupe. A travers ce groupe, je voudrais saluer les journalistes qui sont nombreux dans la salle.
Pour ma part, parler devant le Groupe Fraternité Matin, c’est un honneur. Parce que d’abord, c’est le premier groupe de presse en Côte d’Ivoire, ensuite, c’est le plus vieux. Par ailleurs, c’est le premier Groupe au vu des chiffres qui nous sont communiqués et de l’interêt qui est porté à ce journal.
Je voudrais dire que je suis à votre disposition. Je répondrai avec franchise à toutes les questions franches que vous allez me poser. Il n’y a pas de sujet tabou. Je suis pour le choc des contraires. Je suis pour le choc des idées. Je ne suis pas pour l’unanimisme. Je veux qu’on parle bien. Qu’on ne pose pas une question pour faire plaisir à quelqu’un. Mais qu’on pose des questions qu’on pense être d’interêt national.
Je souhaite que le débat soit direct. Comme on est à une période où tout est direct. Je suis entièrement à vous. Faites de moi ce que vous voulez. Que le débat soit convivial.

Flamme de la paix
Je pense qu’aller à Bouaké, on peut en parler aujourd’hui, aisément. Mais avant la cérémonie qui a permis à tous les Ivoiriens d’y aller, le 30 juillet, ce n’était pas un exercice facile. C’est pourquoi, avant notre arrivée à Bouaké, le 9 juin, je n’ai pas voulu faire de polémique sur cet acte, parce que je savais ce que je voulais.
Et ce que je voulais, c’était de faire en sorte que les jeunes de Côte d’Ivoire, toutes ethnies confondues, toutes positions régionales confondues puissent se retrouver. Je pense que quand on se fait applaudir dans les stades, à des places publiques, où des millions de personnes viennent, on a un rôle historique à jouer.
Parce que quand les gens vous applaudissent, ça veut dire qu’ils espèrent en retour quelque chose de vous. C’est là qu’intervient la responsabilité. Et, dans ce pays, il y a divers degrés de responsabilité.
Moi, j’ai décidé de jouer ma partition. Au soir de ma vie, on ne me demandera pas combien de polémiques j’ai faites avec des gens. On me demandera ce que j’ai fait pour mon pays.
Je voulais aller à Bouaké. Et vous avez constaté que j’y étais le 9 juin. C’est l’essentiel.

Stratégie pour la Flamme

J’ai pris les contacts que j’estimais utiles. J’ai employé le langage que j’estimais utile et je pense que le 9 juin, les images ont parlé. Nous étions à Bouaké dans une ferveur. Et la suite, vous la connaissez. Aujourd’hui, je pense que l’on se côtoie, on se parle.
Par la suite, quand je suis reparti à Bouaké, je ne dormais pas ailleurs. Je dormais chez Wattao. Il y a un an, six mois, personne ne pouvait l’imaginer. C’est mon rôle, personne ne me l’a assigné, je me suis l’assigné moi-même.
Je pouvais faire comme tout le monde. Aller à Bouaké, puis vers 14 heures, ressortir et venir dormir à Yamoussoukro. J’ai plutôt décidé de dormir à Bouaké. J’ai décidé de dormir chez Wattao. C’est un acte pour rassurer tout le monde.

Caravane de la paix

Je n’ai pas entamé la Caravane de la paix parce que je voulais me comporter en touriste et faire le tour de toute la Côte d’Ivoire. Il y avait un objectif à atteindre. J’ai estimé que les pancartes qu’on vous collait à Abidjan ne signifiaient rien.
J’ai estimé que tous les fonds qui étaient engloutis dans des campagnes audio-visuelles et de communication n’apportaient rien. C’était plutôt de l’argent qu’on injectait et qui revenait à ceux qui l’injectaient. C’est cela la vérité.
La situation politique s’est crispée de jour en jour. Je me suis dit que si du 2 octobre 2002 jusqu’en 2005, nous avons réussi à faire sortir ces milliers d’Ivoiriens, cela veut dire qu’ils nous écoutent. Il faut qu’on leur parle au-delà des panneaux publicitaires, des campagnes de télévision et de presse. Il fallait aller sur le terrain. Comme nous avons des amitiés, nous les avons utilisées pour travailler.
J’étais à Anyama, à Abobo nuitamment pour parler avec des gens. Cela n’a pas été facile au début. Une situation qui a été crispée pendant cinq ans ne peut être changée d’un coup de baguette magique. Même les jeunes avec qui je parlais m’ont dit que ce n’était pas facile.
Je leur dis que c’est parce que ce n’est pas facile que c’est intéressant. Ce qui est facile n’a pas de valeur à mes yeux. Et donc c’est comme ça que nous avons commencé la Caravane de la paix. D’abord dans la partie gouvernementale. Et la question que vous me posez, a été posée.
«Vous tournez dans la zone gouvernementale, quand est-ce que vous irez à Bouaké ?» Je leur ai dit, à défaut d’être une lune pour éclairer la terre, il faut être d’abord une lampe pour éclairer votre maison.
La Caravane de la paix avait donc pour objectif de rapprocher ces jeunes. Nous les avons rapprochés. Donc, aujourd’hui, aller à Man, Korhogo, c’est un exercice facile. Moi, je n’aime pas ce qui est facile.
Plus de Caravane de la paix. Je ne vois pas pourquoi faire une caravane actuellement, ça n’a pas de sens. Nous avons convaincu ceux qu’il fallait convaincre. Nous avons été nous même à Bouaké.
Nous avons été dans les villages à Bouaké. Ceux qui sont à Bouaké viennent à Abidjan. Aujourd’hui, la situation, plus ou moins, n’est plus celle qu’on avait l’habitude de vivre.
C’est un premier objectif que nous avons atteint. Si j’ai une caravane à faire aujourd’hui, c’est d’aller dire, peut-être, merci aux Ivoiriens d’avoir accepté de faire la paix. Je ne parle pas de leaders politiques parce que, on sait ce que veut dire pour eux la paix.
Je parle de la masse ivoirienne. Je parle donc des Ivoiriens. Des gens de Bromakoté, de Katiola, de Massala. Je pense qu’aujourd’hui, plus ou moins, ça va. Donc, je n’ai plus besoin d’une caravane. Ce serait une caravane de trop. Et puis, il y a eu trop de caravanes. Moi, je n’aime pas ce que tout le monde fait.
Pour les leaders politiques, la paix veut dire ôtes-toi de là pour que je m’y mette. Quand eux ils sont au pouvoir, c’est ce qui est la paix.

Chefs religieux

J’ai été dans les mosquées, dans les églises. Je me suis dit à un moment donné que chacun avait quelque chose à dire. Il fallait permettre aux uns et autres de parler. Donc, nous avons fait presque du porte-à-porte. Nous avons été dans des maisons, dans des fours. Nous sommes allés à la rencontre des victimes. J’ai été à Néko, pour rencontrer la mère de Boga Doudou. C’est un aspect à relever.
Et, je ne suis pas allé à Néko seul. J’y étais nuitamment d’abord et le lendemain, j’y ai emmené Lida Kouassi qui était accusé dans ce pays d’avoir tué Boga Doudou.
La Caravane de la paix, c’était aussi cela. Rapprocher les positions. Faire disparaître la rumeur pour que l’information vraie puisse être donnée. Et j’ai été heureux que le ministre Lida Kouassi ait été accueilli dans la ferveur populaire. Pour nous, c’était important.
D’ailleurs, à ce sujet, nous repartirons bientôt à Néko, pour que avec tous les autres villages environnants, on fête cet événement. J’ai reçu, il n’y a pas longtemps, une délégation de ce village. Cela dit, j’ai été à Gnaliépa rencontrer la mère du Président de la République. J’ai été à l’ouest de la Côte d’Ivoire et je peux dire que cette partie du pays m’a marqué. Vous connaissez l’histoire de la petite Prisca qui est de Djelé, un village entre Bloléquin et Toulepleu, à quatre kilomètres de Toulepleu.
C’est là que la route m’a été barrée. Et on m’a présenté cette fille qui n’était plus une personne humaine. J’ai dit au docteur N’Cho qui était avec nous d’aller voir s’il y avait quelque chose à faire pour elle. Il a dit qu’on pouvait la sauver.
Aujourd’hui, elle a retrouvé le sourire. Je vais bientôt la raccompagner dans son village. Tout cela était important. J’ai été à Pantroquin où j’ai vu des gens avec des bras coupés. Une femme à qui on a dit «ou bien je tue ton enfant ou tu acceptes qu’on te coupe au moins un bras». Elle a tendu son bras qu’ils ont coupé. Il fallait donc faire parler toutes les victimes.
J’ai été dans un camp où des Bourkinabè ont été expropriés de leurs plantations. Je les ai rencontrés aussi pour parler avec eux.
J’ai dit à toutes ces victimes que leur pardon sera le ciment de la paix. Si vous qui avez perdu des parents, vous devant qui ils ont égorgé vos papas et mamans, si vous acceptez de pardonner, la paix va revenir en Côte d’Ivoire.
A Bouaké, pendant mon meeting, j’ai vu des gens qui pleuraient. J’ai vu des femmes qui versaient des larmes. J’ai donc compris que rien de fondamental ne nous divisait. Cette partie là aussi m’a marqué. J’ai compris en ce moment là ce que les Ivoiriens voulaient.

suite

Charles Blé Goudé se prononce sur le processus de paix, Grades FAFN, grogne dans l’armée, Nomination de Soro, Bouaké,... et bien d'autres dossiers


Dossier spécial à lire ABSOLUMENT





Introduction
Je voudrais remercier le Groupe Fraternité Matin de nous inviter pour la seconde fois. Je pense que c’est une marque de considération que je voudrais retourner à ce groupe. A travers ce groupe, je voudrais saluer les journalistes qui sont nombreux dans la salle.
Pour ma part, parler devant le Groupe Fraternité Matin, c’est un honneur. Parce que d’abord, c’est le premier groupe de presse en Côte d’Ivoire, ensuite, c’est le plus vieux. Par ailleurs, c’est le premier Groupe au vu des chiffres qui nous sont communiqués et de l’interêt qui est porté à ce journal.
Je voudrais dire que je suis à votre disposition. Je répondrai avec franchise à toutes les questions franches que vous allez me poser. Il n’y a pas de sujet tabou. Je suis pour le choc des contraires. Je suis pour le choc des idées. Je ne suis pas pour l’unanimisme. Je veux qu’on parle bien. Qu’on ne pose pas une question pour faire plaisir à quelqu’un. Mais qu’on pose des questions qu’on pense être d’interêt national.
Je souhaite que le débat soit direct. Comme on est à une période où tout est direct. Je suis entièrement à vous. Faites de moi ce que vous voulez. Que le débat soit convivial.

Flamme de la paix
Je pense qu’aller à Bouaké, on peut en parler aujourd’hui, aisément. Mais avant la cérémonie qui a permis à tous les Ivoiriens d’y aller, le 30 juillet, ce n’était pas un exercice facile. C’est pourquoi, avant notre arrivée à Bouaké, le 9 juin, je n’ai pas voulu faire de polémique sur cet acte, parce que je savais ce que je voulais.
Et ce que je voulais, c’était de faire en sorte que les jeunes de Côte d’Ivoire, toutes ethnies confondues, toutes positions régionales confondues puissent se retrouver. Je pense que quand on se fait applaudir dans les stades, à des places publiques, où des millions de personnes viennent, on a un rôle historique à jouer.
Parce que quand les gens vous applaudissent, ça veut dire qu’ils espèrent en retour quelque chose de vous. C’est là qu’intervient la responsabilité. Et, dans ce pays, il y a divers degrés de responsabilité.
Moi, j’ai décidé de jouer ma partition. Au soir de ma vie, on ne me demandera pas combien de polémiques j’ai faites avec des gens. On me demandera ce que j’ai fait pour mon pays.
Je voulais aller à Bouaké. Et vous avez constaté que j’y étais le 9 juin. C’est l’essentiel.

Stratégie pour la Flamme

J’ai pris les contacts que j’estimais utiles. J’ai employé le langage que j’estimais utile et je pense que le 9 juin, les images ont parlé. Nous étions à Bouaké dans une ferveur. Et la suite, vous la connaissez. Aujourd’hui, je pense que l’on se côtoie, on se parle.
Par la suite, quand je suis reparti à Bouaké, je ne dormais pas ailleurs. Je dormais chez Wattao. Il y a un an, six mois, personne ne pouvait l’imaginer. C’est mon rôle, personne ne me l’a assigné, je me suis l’assigné moi-même.
Je pouvais faire comme tout le monde. Aller à Bouaké, puis vers 14 heures, ressortir et venir dormir à Yamoussoukro. J’ai plutôt décidé de dormir à Bouaké. J’ai décidé de dormir chez Wattao. C’est un acte pour rassurer tout le monde.

Caravane de la paix

Je n’ai pas entamé la Caravane de la paix parce que je voulais me comporter en touriste et faire le tour de toute la Côte d’Ivoire. Il y avait un objectif à atteindre. J’ai estimé que les pancartes qu’on vous collait à Abidjan ne signifiaient rien.
J’ai estimé que tous les fonds qui étaient engloutis dans des campagnes audio-visuelles et de communication n’apportaient rien. C’était plutôt de l’argent qu’on injectait et qui revenait à ceux qui l’injectaient. C’est cela la vérité.
La situation politique s’est crispée de jour en jour. Je me suis dit que si du 2 octobre 2002 jusqu’en 2005, nous avons réussi à faire sortir ces milliers d’Ivoiriens, cela veut dire qu’ils nous écoutent. Il faut qu’on leur parle au-delà des panneaux publicitaires, des campagnes de télévision et de presse. Il fallait aller sur le terrain. Comme nous avons des amitiés, nous les avons utilisées pour travailler.
J’étais à Anyama, à Abobo nuitamment pour parler avec des gens. Cela n’a pas été facile au début. Une situation qui a été crispée pendant cinq ans ne peut être changée d’un coup de baguette magique. Même les jeunes avec qui je parlais m’ont dit que ce n’était pas facile.
Je leur dis que c’est parce que ce n’est pas facile que c’est intéressant. Ce qui est facile n’a pas de valeur à mes yeux. Et donc c’est comme ça que nous avons commencé la Caravane de la paix. D’abord dans la partie gouvernementale. Et la question que vous me posez, a été posée.
«Vous tournez dans la zone gouvernementale, quand est-ce que vous irez à Bouaké ?» Je leur ai dit, à défaut d’être une lune pour éclairer la terre, il faut être d’abord une lampe pour éclairer votre maison.
La Caravane de la paix avait donc pour objectif de rapprocher ces jeunes. Nous les avons rapprochés. Donc, aujourd’hui, aller à Man, Korhogo, c’est un exercice facile. Moi, je n’aime pas ce qui est facile.
Plus de Caravane de la paix. Je ne vois pas pourquoi faire une caravane actuellement, ça n’a pas de sens. Nous avons convaincu ceux qu’il fallait convaincre. Nous avons été nous même à Bouaké.
Nous avons été dans les villages à Bouaké. Ceux qui sont à Bouaké viennent à Abidjan. Aujourd’hui, la situation, plus ou moins, n’est plus celle qu’on avait l’habitude de vivre.
C’est un premier objectif que nous avons atteint. Si j’ai une caravane à faire aujourd’hui, c’est d’aller dire, peut-être, merci aux Ivoiriens d’avoir accepté de faire la paix. Je ne parle pas de leaders politiques parce que, on sait ce que veut dire pour eux la paix.
Je parle de la masse ivoirienne. Je parle donc des Ivoiriens. Des gens de Bromakoté, de Katiola, de Massala. Je pense qu’aujourd’hui, plus ou moins, ça va. Donc, je n’ai plus besoin d’une caravane. Ce serait une caravane de trop. Et puis, il y a eu trop de caravanes. Moi, je n’aime pas ce que tout le monde fait.
Pour les leaders politiques, la paix veut dire ôtes-toi de là pour que je m’y mette. Quand eux ils sont au pouvoir, c’est ce qui est la paix.

Chefs religieux

J’ai été dans les mosquées, dans les églises. Je me suis dit à un moment donné que chacun avait quelque chose à dire. Il fallait permettre aux uns et autres de parler. Donc, nous avons fait presque du porte-à-porte. Nous avons été dans des maisons, dans des fours. Nous sommes allés à la rencontre des victimes. J’ai été à Néko, pour rencontrer la mère de Boga Doudou. C’est un aspect à relever.
Et, je ne suis pas allé à Néko seul. J’y étais nuitamment d’abord et le lendemain, j’y ai emmené Lida Kouassi qui était accusé dans ce pays d’avoir tué Boga Doudou.
La Caravane de la paix, c’était aussi cela. Rapprocher les positions. Faire disparaître la rumeur pour que l’information vraie puisse être donnée. Et j’ai été heureux que le ministre Lida Kouassi ait été accueilli dans la ferveur populaire. Pour nous, c’était important.
D’ailleurs, à ce sujet, nous repartirons bientôt à Néko, pour que avec tous les autres villages environnants, on fête cet événement. J’ai reçu, il n’y a pas longtemps, une délégation de ce village. Cela dit, j’ai été à Gnaliépa rencontrer la mère du Président de la République. J’ai été à l’ouest de la Côte d’Ivoire et je peux dire que cette partie du pays m’a marqué. Vous connaissez l’histoire de la petite Prisca qui est de Djelé, un village entre Bloléquin et Toulepleu, à quatre kilomètres de Toulepleu.
C’est là que la route m’a été barrée. Et on m’a présenté cette fille qui n’était plus une personne humaine. J’ai dit au docteur N’Cho qui était avec nous d’aller voir s’il y avait quelque chose à faire pour elle. Il a dit qu’on pouvait la sauver.
Aujourd’hui, elle a retrouvé le sourire. Je vais bientôt la raccompagner dans son village. Tout cela était important. J’ai été à Pantroquin où j’ai vu des gens avec des bras coupés. Une femme à qui on a dit «ou bien je tue ton enfant ou tu acceptes qu’on te coupe au moins un bras». Elle a tendu son bras qu’ils ont coupé. Il fallait donc faire parler toutes les victimes.
J’ai été dans un camp où des Bourkinabè ont été expropriés de leurs plantations. Je les ai rencontrés aussi pour parler avec eux.
J’ai dit à toutes ces victimes que leur pardon sera le ciment de la paix. Si vous qui avez perdu des parents, vous devant qui ils ont égorgé vos papas et mamans, si vous acceptez de pardonner, la paix va revenir en Côte d’Ivoire.
A Bouaké, pendant mon meeting, j’ai vu des gens qui pleuraient. J’ai vu des femmes qui versaient des larmes. J’ai donc compris que rien de fondamental ne nous divisait. Cette partie là aussi m’a marqué. J’ai compris en ce moment là ce que les Ivoiriens voulaient.

Paix, une volonté des Ivoiriens
A partir de quand j’ai compris que les Ivoiriens voulaient vraiment la paix ?
C’était à partir du 26 juillet 2006. Le 26 juillet 2006, l’Alliance des jeunes patriotes dont je suis le président rencontrait les jeunesses du PDCI-RDA, du RDR et des autres partis de l’opposition.
Au lendemain de cette rencontre, le calme était revenu à Abidjan. Parce que vous savez que la veille, à Bassam, à Divo, les gens s’égorgeaient. Donc, d’une guerre militaire, on passait à une guerre civile. Pour moi, dans l’histoire des guerres, je n’ai jamais vu un seul pays qui a remporté une guerre civile. Une guerre militaire est conventionnelle.
Nous avons donc lancé un message puis le calme est revenu dans les jours qui ont suivi et les gens sont rentrés chez eux. Pendant ce temps, des leaders nous reprochaient d’avoir lancé ce message, d’avoir appelé au calme. J’ai donc compris la différence entre ce que le peuple voulait et ce que les leaders voulaient.
Ce que le peuple voulait, c’était d’aller à la paix. Parce que nous connaissons les Ivoiriens, s’ils n’étaient pas d’accord, les affrontements auraient continué. Mais nous les avons stoppés partout. A partir de là, j’ai dit, il faut y aller. J’ai même entendu des jeunes leaders dire, qu’il ne faut pas avoir peur de la guerre civile. Mais c’est grave. La guerre civile fait peur. Elle n’est pas bonne.
C’est ce qui nous a conforté dans notre décision de lancer la Caravane de la paix. Nous l’avons faite et je crois qu’elle a joué son rôle.
Je profite pour féliciter tous ceux qui ont participé à cette caravane.

Réunification
Je pense que, quand on est à ce stade du travail qui engage l’avenir de la nation, l’euphorie peut vous amener à parler pour montrer que vous êtes le plus grand stratège ; que vous avez fait ceci, que vous avez fait cela. Et si demain la situation venait à se crisper ? Ces personnes, pour prendre des contacts, auraient peur de vous.
C’est là qu’on voit qu’un leader doit se retenir. Quand vous êtes à ce stade de responsabilité, vous devez faire attention à ce que vous dites. Mes contacts ont servi à décrisper la situation. Nous avons été à Bouaké.
Et je pense qu’aujourd’hui, c’est un exercice facile pour tout le monde. Je voudrais remercier le Premier ministre Soro Guillaume, Wattao, le ministre Konaté Sidiki, les femmes de Bouaké et tous ceux avec qui j’ai parlé et qui ont facilité tout cela.

Après la Flamme

La Flamme est allumée. Il faut la protéger. Il faut y travailler, parce qu’elle ne fait pas plaisir à tout le monde. Ce qui arrive à la Côte d’Ivoire est une forme de révolution. Quand je parle de révolution, je parle de rupture avec les mesures classiques onusiennes ; avec le prêt-à-consommer, la coiffure qu’on attribue aux Africains, sans leur avis. Voici un pays qui, loin des schémas classiques de l’ONU, essaie de trouver des solutions selon ses habitudes, selon sa culture. C’est d’abord ce qu’il faut retenir.
J’étais heureux de voir, à Bouaké, les Présidents Blaise Compaoré (Burkina), Thabo MBeki (Afrique du Sud), Toumani Touré (Mali)… Tous ces Chefs d’Etat africains autour de la Côte d’Ivoire, c’est cela le chemin. Quand vous menez une telle révolution, parce que c’en est une, vous mettez des gens au chômage.
C’est après l’Accord de Ouaga que le GTI a compris qu’il était dans une situation où il devenait inutile. Il a donc disparu. Mais les acteurs du GTI n’ont pas disparu. Ils sont là et ne savent plus quoi faire dans le pays. Ils séparaient deux personnes qui se battaient et qui aujourd’hui ont décidé de s’embrasser.
Que deviennent-ils? Ils sont salariés au nom de notre guerre ! Donc notre paix met des gens au chômage or ils ont une machine internationale et infernale en main. C’est ce qu’il y a à redouter. C’est en ce moment-là que chaque Ivoirien doit se considérer comme le protecteur de cette Flamme. Il faut qu’on y arrive. La Flamme est allumée, il faut la préserver.

Esprit patriotique

Pour moi, le titre n’a pas de sens. En revanche, l’action a un sens. Sommes-nous d’accord pour dire que les Ivoiriens souffraient dans leur chair ?
Que notre pays était dans la boue ; que nous partions vers une situation intenable ? Si oui, toute personne qui avait une influence dans sa sphère devait pouvoir engager une action. C’est ce que j’ai fait.
Il serait malhonnête, de ma part, de vous dire que j’ai agi en tant que simple citoyen : c’est Blé Goudé du Cojep. Mais ce qui est bon de savoir c’est, si oui ou non, la caravane a été bien ? Les autres questions sont subsidiaires.

Moyens

Parler des moyens avec lesquels la caravane a été organisée, je ne sais pas ce que cela pourrait apporter au débat. Dans ce pays ce sont toujours les mêmes problèmes. Quand on appelle les gens à la place de la République, on demande : mais avec quels moyens on les a appelés ?
Tu fais une Caravane de la paix, on demande avec quels moyens on le fait ? Il faut que l’Ivoirien apprenne à aller à l’essentiel. Mais, sachez que ‘‘La caravane de la paix’’ a été organisée avec mon intelligence ; mon premier moyen a été mon intelligence.
C’était le courage de prendre l’initiative et de faire en sorte que cela devienne un intérêt. Il y a des leaders politiques qui avaient besoin de tribune pour parler à leur population.
Mais les gens ne savaient pas comment s’y prendre. Quand nous avons initié ‘‘La caravane, nous avons posé des conditions. A Bouaflé, par exemple, nous avons demandé aux leaders qui voulaient parler à leur population par le biais de ‘‘La caravane’’, de payer notre carburant, notre hébergement. Ce qui a été fait.
Des villes nous ont même appelé pour ‘‘La caravane’’. Or, comme dans ce pays, ceux qui prennent des initiatives sont mal vus ; ceux qui font des efforts sont les mal aimés. Donc moi, je n’ai pas voulu aller m’allaiter à un «biberonnisme» politique. J’ai voulu, à travers mon intelligence, faire en sorte que la «Caravane» soit une réussite et un intérêt.
Je pense que, autant que nous soyons, dans une classe, il y a un premier, un deuxième jusqu’au dernier. Et pourtant, le professeur donne à tous, le même enseignement avec la même rigueur. Mais, quand on fait le classement, il y a le premier jusqu’au dernier, parce que vous n’avez pas la même capacité d’adaptation et de compréhension.
Quand un professeur donne une leçon, dans une classe, il y a trois sortes d’élèves : ceux qui comprennent au moment même où le professeur donne la leçon, ceux qui comprennent, après un ou deux mois d’étude ; et ceux qui ne comprennent jamais. J’étais en Angleterre quand la crise a éclaté. Personne ne m’a appelé. Je suis venu, de moi-même. Et la question était : que faire ? ‘‘La caravane’’, il fallait d’abord l’inventer, la concevoir avant de la mettre en route.
En clair, je n’ai reçu de moyens de qui que ce soit. Je n’ai fait que continuer ce que mes amis de l’Alliance et moi avions commencé le 26 juillet. Ce à quoi l’on s’opposait. Quand j’ai rencontré les KKB et Yayoro, respectivement présidents des jeunes du PDCI et du RDR, que n’a-t-on pas raconté, sur mon compte dans ce pays? «Il a trahi la lutte, il a pactisé avec le diable».
J’ai dit à mes amis de l’Alliance : c’était ça le chemin. Notre rôle est d’indiquer la voie. Ce n’est pas à la masse de diriger le leader ; c’est plutôt le leader qui dirige la masse. Nous y sommes allés et après, nous avons organisé ‘‘La caravane’’. C’est cela l’essentiel, pour moi.

Blé Goudé - Eugène Djué

Je respecte beaucoup Eugène Djué. C’est un grand frère. J’étais en classe de seconde, au Lycée classique d’Abidjan, quand lui était étudiant en licence de droit, à l’université d’Abidjan. Ce sont eux qui venaient nous installer à la Fesci. Par éducation, je n’ouvrirai jamais la bouche pour injurier un aîné.
Maintenant, je ne peux pas empêcher un aîné de ne pas m’aimer. Je n’ai pas ces moyens. Le seul moyen que j’ai, c’est l’éducation que m’a laissée mon père. Qui me demande de ne jamais insulter quelqu’un, qui a été mon devancier.
Nous avons tous été à l’école de la Fesci. Pour avoir partagé les mêmes convictions, les mêmes difficultés au sein de ce mouvement, je n’ouvrirai jamais la bouche pour insulter quelqu’un de ce mouvement. Quand il m’arriverait de lui reprocher quelque chose, je prendrai mon téléphone pour l’appeler.

Bouaké

A l’ouest, j’ai visité Duekoué, Toulepleu, Bloléquin, Taï, Guiglo. Je n’ai pas été à Bangolo, parce que, en ce moment, Bangolo était en zone de confiance. Et il semble que les leaders politiques n’y avaient pas accès. L’essentiel, pour moi, reste que l’ouest a été une zone sinistrée. Ce n’était pas de visiter tel ou tel village.
J’ai choisi le symbole de la rébellion qui est Bouaké. C’est à partir de Bouaké, que ceux qui ont pris les armes, se sont déployés à Man et les autres villes. Maintenant que Bouaké n’est plus ce symbole là, on peut faire toutes les autres villes. Mais, l’essentiel était de semer la graine de la paix.

Médias

Il faut parler à ceux qui font la Une des journaux. Vous êtes tranquilles quand vous vous promenez dans le pays. Mais, si vous avez envie d’inquiétude, allez faire la revue de presse. Tout de suite, vous vous rendez compte que, entre ce que vous vivez et ce qui est écrit dans les journaux, il y a une dichotomie qui vient trancher avec la réalité.
C’est cela le problème. Même quand nous allions à ‘‘La Flamme de la paix’’, on nous a dit que c’était n’importe quoi. On a même dit que des mines avaient été installées pour tuer le Président Gbagbo ; que des personnes profiteraient de cette Flamme de la paix pour tuer le Premier ministre Soro. Tout a été dit.
Et pourtant, nous avons été à Bouaké et nous en sommes revenus. C’était la joie, du début à la fin. La réalité vécue à Bouaké, ce jour-là, tranchait avec ce que les journaux avaient prévu. Nous sommes allés vers les Ivoiriens, et chaque jour, nous savons ce qu’ils veulent. Le stade de Bouaké était plein à craquer.
Le monde, en dehors du stade, était beaucoup plus nombreux que celui qui était à l’intérieur. Abidjan était bloquée par la population ivoirienne qui voulait vivre en direct ‘‘La Flamme de la paix’’. Tout le reste est un jeu politique.
Malheureusement, pour nous, ce n’est pas la masse ivoirienne qui finance les journaux. Ce sont ces leaders-là qui les financent. Donc, il y a un problème.
Je pense que s’il y a une sensibilisation à faire, aujourd’hui, c’est vers les directeurs de publication des journaux. Le peuple ivoirien a fini par accepter la paix. Ceux qui ne l’ont pas encore acceptée et qui sont liés, c’est ceux-là qui font la Une des journaux.

Absence de personnalités


Je ne peux pas expliquer les raisons qui ont motivé ces absences. Seules ces personnes ou leurs responsables de la communication sont habilités à expliquer pourquoi elles n’étaient pas présentes.
J’ai constaté, comme tout le monde, que le président Mamadou Koulibaly, Mme Simone Gbagbo, le Président Bédié et le président du RDR, Alassane Ouattara étaient absents à la cérémonie de la Flamme de la paix.

Appartenance politique

Vous me demandez : quel est mon parti politique ? Je n’ai pas de parti politique. Ma philosophie : on n’est pas obligé de « s’encarter » pour participer à l’action de son pays. Convenez, avec moi, que quand le pays est en danger, je suis au même carrefour…sans être encarté. Je n’aime pas la tricherie.


Parce que j’estime que je ne peux pas rassembler les Ivoiriens pour parler d’unité, de patriotisme et puis, du jour au lendemain, l’on me voit en train de faire la politique. Je leur aurai menti. Depuis le début de la crise, nous sommes allés pour le rassemblement des Ivoiriens, au-delà des frontières, au-delà des partis politiques.
Le Cojep, excusez-moi, c’est moi qui l’ai créé, le 4 juin, 2001, au Plateau Dokui, au maquis « Quitte dans ça ». On était 39 personnes. J’étais candidat, face à Djédjé. Il a perdu parce que son directeur de campagne ne l’avait pas voté. Bref, c’est pour vous dire que le Cojep est un groupe de pression. A une autre occasion, je pourrai vous expliquer ce qu’est ce groupe.


Ambition

Moi, je n’ai pas envie de créer un parti politique, pour le moment. Parce que ça ne rentre pas dans ma stratégie. Maintenant, si les gens demandent pourquoi je veux créer un parti politique, je leur répondrai en disant : au nom de quoi vous avez le droit de créer un parti politique et moi pas?
Au nom de quoi les gens pensent que tout le monde doit les suivre ? Au nom de quoi les gens estiment qu’ils doivent avoir un parti politique, un siège et les autres pas ? Au nom de quoi ? C’est là le véritable handicap.
Dans ce pays, on vous appelle : « tous petits, petits ». Je ne veux plus de tout cela. Je veux assurer mon avenir. Quand je vais à des réunions internationales, mes amis sont soit ministres, soit ceci ou cela.
Et, moi, je suis président des jeunes patriotes. Cette crise a prouvé qu’il y a des gens qu’on avait mystifiés pour rien. C’est la jeunesse qui a géré cette crise. C’est la jeunesse qui a porté, sur ses frêles épaules, ce pays qui était en déconfiture.
Et je mets quiconque au défi de me prouver le contraire. Les gens avaient leur téléphone pour appeler à gauche et à droite pour dire que c’en était fini pour la Côte d’Ivoire. Nous leur avons dit non. Ce sont les chars français qui sont en fer. Ceux qui y sont ne le sont pas. Il faut arrêter ce complexe.

Nomination de Soro
j’ai dit et je l’assume : la seule nomination de Monsieur Soro Guillaume, à la tête de la Primature, est une recomposition du paysage politique ivoirien.
Et, comme dans ce pays les gens n’aiment pas lire les tableaux politiques, ils préfèrent s’entenir à leurs illusions premières …Si vous voyez le RDR et le PDCI s’agiter, c’est parce qu’ils ont compris que la seule nomination de Soro bouleverse tout le tableau politique ivoirien.
Je vous donne rendez-vous, au plus, dans un an. On va se retrouver ici, pour faire le bilan. Moi, je n’ai pas envie d’être d’un parti politique. Pour le moment. Parce que les partis politiques, je le répète, ont montré leur limite dans cette crise ivoirienne.

Financement des partis
Je ne suis pas d’accord qu’on finance des gens qui nous créent des problèmes. Oui, le peuple est d’accord pour aller à la paix. Et les gens prennent l’argent de l’Etat de Côte d’Ivoire pour aller en campagne contre la paix ; l’Etat débloque des milliards pour des gens qui nous créent des problèmes.
Je ne suis pas d’accord. Si nous devons rester encore dans cette crise, ce ne sera pas la faute au peuple, mais plutôt celle des partis politiques. Je ne suis pas d’accord avec les partis politiques pour en créer. Mon combat n’était pas d’en créer.
Martin Luther King a marqué l’histoire des Etats-Unis…On peut donc travailler pour son pays et ne pas forcément créer un parti politique.
Quand je dis que je ne suis pas pour le financement des partis politiques, je ne suis pas en train de m’attaquer à la loi. Je marque mon désaccord, je donne ma position.
Parce que, pour moi, quand vous créez un parti politique, quand vous allez conquérir le pouvoir, vous le gérez pour qui, vous parlez au nom de qui ? C’est le peuple.
Et vous ne posez aucun acte pour libérer ce peuple. Si c’est une loi, je l’accepte, mais je dis que je ne suis pas d’accord avec cette loi. Au moins, on sait que je ne suis pas d’accord. C’est ma position.

Étiquette
Je n’ai pas demandé aux Ivoiriens de retenir ceci ou cela de moi. Je pose des actions et des actes ; j’agis, chaque jour. Chacun a sa manière de voir ce que je fais. A partir de ce que je fais, il appartient à chacun de tirer ses conclusions et de me donner une étiquette. Par exemple, la France dit que je suis un monstre.
C’est ce qu’elle veut retenir de moi. Il y a des Ivoiriens qui estiment que ce que je fais est bien. Tous ces qualificatifs entrent dans mon système : quand vous faites quelque chose, il y en a qui apprécient, d’autres non. Je ne peux pas empêcher quelqu’un de parler mal de moi. J’en n’ai pas les moyens.

Soro Mort ambulant
Je voyais Soro Guillaume comme un mort ambulant. Je l’ai dit et je l’assume. Je me suis expliqué. C’est l’histoire de la rébellion, en Afrique. J’ai constaté que tous ceux qui ont été à la tête des rébellions, en Afrique, ont mal fini. Soit ils sont mal morts, soit ils finissent en prison.
Ce n’est pas moi qui l’invente. Ce sont les faits de l’histoire, qui nous permettent de comprendre le présent.
Maintenant, je ne peux pas souhaiter, moi, la mort de Guillaume Soro. Je ne le ferai jamais. Parce que, quand vous réussissez à vaincre un ennemi, sachez que ce n’est pas une victoire totale. Mais quand vous réussissez à convaincre un ennemi, pour en faire un partenaire, la victoire est totale.
Donc, Guillaume Soro et moi, qui nous a réunis ? C’est le combat contre l’impérialisme ; contre les puissances occidentales qui veulent nous écraser…Moi, je ne veux pas qu’il meure. Je veux qu’il vive pour qu’ensemble, on ait une Côte d’Ivoire nouvelle. Il a son mot à dire dans le concert des nations. Voilà ce que je voulais dire.
Et je souhaite que la Côte d’Ivoire soit une exception. La manière avec laquelle nous sommes en train de gérer la crise en constitue bien une.

Vision
C’est à Yamoussoukro, en présence du DG de Frat- Mat, Jean-Baptiste Akrou, que j’ai dit, pour la première fois, aux Ivoiriens lors de ma caravane, de s’apprêter à accepter Soro Guillaume comme Premier ministre.
On m’avait traité de fou, dans ce pays. Et, au même moment, je disais à M. Charles Konan Banny (ex-Premier ministre) que quitter la Primature n’est pas une frustration, parce qu’il a succédé à M. Seydou Diarra qui avait remplacé M. Affi N’Guessan, Premier ministre de Gbagbo de choix, de confiance. Mais, le Président Gbagbo l’avait accepté, au nom de la paix.
Le même Konan Banny, bien que Bohoun Bouabré ait géré une économie de crise, qui a positionné la Côte d’Ivoire, qui a réussi à payer ses fonctionnaires, malgré la guerre, l’a vidé. A Dabou, j’ai déclaré : « Gbagbo Laurent Président ; Soro Guillaume Premier ministre.
Nous avons pris le pouvoir ». Il y a un petit qui m’a dit : « Nous là, c’est qui? ». Mon explication : Soro Guillaume est un homme de gauche.
J’en suis un ; Gbagbo Laurent, également. Soro Guillaume est issu d’une classe sociale pauvre. Moi, aussi. Soro Guillaume est un ancien prisonnier de Bédié ; Gbagbo Laurent est un ancien prisonnier. Moi aussi, je suis un ancien prisonnier. Mangou Philippe, ancien prisonnier, Wattao ancien prisonnier.
C’est le temps des prisonniers. C’est pourquoi je dis : cette guerre est une autre guerre des pauvres.

Relations avec Navigué
Il n’y a aucun problème entre Konaté Navigué et moi. Quand on fait le programme, il vient. On n’a pas de problème, parce qu’on travaille pour la même chose.
Je voudrais préciser qu’au sein de l’Alliance, Navigué a une particularité. Parce qu’il est le président d’une structure spécialisée d’un parti politique. Il n’a pas la même liberté d’action que nous. Moi, je suis président du Cojep. Je ne suis pas encarté.
Donc, je n’ai pas de contrainte, en tant que telle. Aujourd’hui, il a une autre occupation. Il est le directeur des Affaires politiques du ministère de l’Intérieur.

Primes
C’est vrai que j’avais initié une caravane dans les casernes, mais elle n’a pu avoir lieu. Vous savez, la question de l’armée n’est pas un jeu. C’est une question trop sensible. Il est plus facile de faire des tournées dans les villes, les villages.
Mais, dans les casernes, cela peut être tout de suite interprété. Blé Goudé, dans les casernes, l’interprétation est vite partie. Surtout que les militaires qui ont été recrutés, après le 19 septembre 2002, ont été déjà baptisés «militaires Blé Goudé».
Je constate, comme vous, que la tournée n’a pas eu lieu dans les casernes. Alors que j’ai simplement voulu préparer l’esprit de tout le monde à accueillir ce que nous vivons aujourd’hui. Malheureu-sement, cette tournée n’a pas eu lieu. Non pas parce qu’il y a eu une pression quelque part, mais parce qu’il s’agit de notre armée, à nous tous.

Questions militaires
A propos de la grogne des militaires, je pense que c’est normal. Je pense que chacun se sentant mal à l’aise, aspire à une meilleure vie ; qu’il soit militaire, médecin ou autre. Mais, je ne peux pas dire que c’est parce que je ne suis pas allé dans les casernes qu’il y a grogne.
Je n’ai jamais été saisi par des militaires pour une question relative à leur situation ou à leurs primes qu’ils réclament.
Comprenez en même temps que des militaires ne se reconnaissent pas en moi. Je souhaite que cela soit clair. Des militaires ne se réclament pas de Blé Goudé ; ce sont des gens qui leur attribuent cette étiquette, vu les conditions dans lesquelles ils ont été recrutés. Au cours de la guerre, nous avons lancé un message demandant au chef d’état-major d’alors (le général Mathias Doué, Ndlr) d’accepter de recruter ces jeunes. C’est à partir de là que l’étiquette de «soldats Blé Goudé» leur a été attribuée.
Ce n’est pas mon fait. Dès l’instant où ils sont entrés dans l’armée de Côte d’Ivoire, je n’ai plus de contact direct avec eux. Je n’entretiens donc pas de rapports particuliers avec eux.
Mais, je ne peux pas les empêcher d’être contents d’avoir été recrutés par mon fait. Vous constaterez que je ne les utilise pas ; je n’en ai pas besoin. Moi, je ne suis pas pour les armes ; je ne les aime pas. Moi, j’aime la parole. Je l’adore. Une armée n’a pas à se reconnaître en un individu. Une armée, c’est pour l’Etat, la nation.

Grogne
De quelles primes s’agit-il ? Je pense que le Chef de l’Etat a donné un message clair aux militaires. Pour moi, nous sommes dans une situation où nous tendons vers la paix.
On demande des primes, comme cela a été dit, parce qu’on dit que la guerre est finie.
Tout le monde a conclu que c’étaient des rumeurs, puisque le Président Gbagbo avait promis ceci et cela. Il leur a dit qu’il ne leur avait pas promis d’argent.
Il a même dit que son armée n’était pas une armée de mercenaires ; que c’est le mercenaire qui, quand il a fini de faire la guerre, est payé. Je pense que les responsables de l’armée ont entrepris dans les casernes et dans les différents camps militaires des tournées. Je souhaite qu’elles aillent plus loin, pour que notre armée ne remplace pas la rébellion.

Grades
Cela dit, la question des grades n’est pas une question qu’il faut exclure de l’armée ivoirienne. Je veux dire que la question d’une nouvelle armée qui est à l’ordre du jour à Ouagadougou est une question qui engage la Côte d’Ivoire.
Car, vous constatez, avec moi, que quand l’armée n’est pas contente, tout le monde a peur et s’interroge : «Est-ce qu’il y a un coup d’Etat ?», «Est-ce qu’il y a un soulèvement ?».
Cela veut dire que celui qui est en arme mérite d’être formé. Il mérite d’accepter que , parce qu’il a une force, il faut savoir l’utiliser, il ne faut pas l’utiliser n’importe comment. Il faut que celui qui a une arme comprenne que le devoir de l’armée est de protéger la population et d’être en harmonie avec elle.
Quand on a compris cela, et qu’on le met en rapport avec la guerre qu’on a vécue, mais aussi avec le coup d’Etat de 1999, on peut dire que notre armée se désagrège. Sous Guéi Robert, les soulèvements se sont succédé, toujours, pour des raisons de primes.
Et, on connaît le résultat. Aujourd’hui, que nous sommes en train de sortir de cette guerre, je souhaite que, de manière courageuse, on règle définitivement les questions de primes dans l’armée ivoirienne pour que les générations futures soient en paix.
Je pense qu’il y a, avant tout, une question de formation de nos militaires. Est-ce que les gens vont dans l’armée par conviction ou alors ils y vont parce qu’ils n’ont pas trouvé mieux à faire ?
C’est tout ce tableau-là qu’il faut dresser, et non le réduire à un problème de primes ou à des grades. On m’a demandé : pourquoi le Président Laurent Gbagbo a salué Wattao, alors qu’il avait des galons de commandant ? On me dit que les militaires des Forces nouvelles sont mieux traités. Moi, j’ai discuté avec un militaire. Je lui ai dit : «Frère, moi, je suis Charles Blé Goudé, 35 ans révolus.
J’ai été secrétaire général de la FESCI. Vous avez Guillaume Soro, 35 ans révolus, ancien secrétaire général de la FESCI. Nous avons tous fait le département d’Anglais, à l’Université de Cocody. A un moment donné de l’histoire de la Côte d’Ivoire, il a pris les armes. Je me suis opposé à cela par la rue.
Pour cela, je suis sanctionné par l’ONU. Je ne peux pas bouger de ce pays. Mais lui, il est Premier ministre, avec tous les honneurs que cela comporte. « Mais, frère, moi, j’ai fait campagne pour que Soro soit Premier ministre de Côte d’Ivoire ; pour qu’il soit donc dans cette situation. La raison est que j’estime que ça peut arranger notre pays pour que la guerre y prenne fin ». M’avez-vous entendu me plaindre parce que Soro a été nommé Premier ministre ? Non.
J’estime que c’est ma part de sacrifice. Et vous, que faites-vous ? Il faut donc que chacun fasse sa part de sacrifice. Et les Patriotes qui étaient dans la rue par milliers ? D’autres ont été tués devant l’hôtel Ivoire.
Avez-vous entendu dire que chacun a été payé par concession, par cour ? Non. Nous, en ce qui nous concerne au niveau civil, avons fait notre part de sacrifice. Chacun doit accepter de faire la sienne.
Moi, je peux me lever et aller demander à Soro : «Au nom de quoi tu va être Premier ministre ?». Je peux le dire et réclamer ma part du gâteau. Mais, je ne le fais pas, parce que j’estime que c’est trop sensible, le stade où nous nous trouvons.
Tout ce que je viens de dire, il faut l’expliquer au cours d’une campagne, à tous les Ivoiriens, qu’ils soient médecins, enseignants, chômeurs, militaires, etc.
Il faut leur expliquer que le temps des sacrifices est arrivé ; qu’il n’y a pas un sacrifice trop grand pour arriver à la paix. Maintenant, celui qui ne veut pas s’inscrire dans ce schéma, alors qu’il nous propose le sien. Comment il entend procéder pour que la Côte d’Ivoire retrouve la paix et l’unité ?
Qu’il nous le dise. La question des grades n’est donc pas à réduire à une question de grades. La question des primes n’est pas à réduire à une question des primes. C’est une question de formation, de transformation, précédée d’une question d’information. Il y a un problème quand un individu n’est pas bien informé. Il faut que cette campagne ait lieu pour qu’on comprenne qu’on ne peut pas rester indéfiniment dans cette situation.
C’est pourquoi je suis d’accord qu’on prenne le temps pour régler ces questions, une bonne fois pour toutes.

Fesci
Je ne voudrais pas répondre à la question relative à la FESCI, ici. Pour la simple raison que je ne veux pas régler ce problème dans la presse. J’ai appartenu à la FESCI ; je l’ai dirigée. A la FESCI, j’ai été apprenti, mécanicien, « balanceur », avant d’être chauffeur.
J’ai passé presque la moitié de ma jeunesse à la FESCI. Pour un idéal. Si, à travers votre question, vous êtes en train de me dire que l’on s’écarte violemment de cet idéal, je pense que ce n’est pas dans la presse que je vais en parler. Par principe.
Je vais donc approcher les jeunes frères pour qu’on discute. Car, je pense que c’est une question qu’il faut effectivement mettre au centre des débats.
J’ai lu la presse ces temps-ci. J’ai lu la presse autour de cette guerre. Je ne souhaite pas interpeller mes jeunes frères à travers la presse. Si je le fais, je risque de les heurter et d’obtenir le contraire du résultat escompté. Car, ils diront : «Blé Goudé est en train de nous insulter dans les journaux.
Blé Goudé est en train de traîner la FESCI dans les journaux». Je pense qu’il faut qu’on trouve le moyen et le canal pour parler de cette question.

Propos recueillis par
Paulin N. Zobo
Pascal Soro
Emmanuel Kouassi
Louis Brou Parfait
collaboration
Danièle Didi Koko
Soro Benjamin
Assa Marie-José
(stagiaires)
coordonnateur
Michel Koffi
Invité de la Rédaction de Fraternité Matin