jeudi, 12 avril 2007

APPLICATION DE L'ACCORD DE OUAGADOUGOU



Le Matin d'Abidjan


POURQUOI IL FAUT RESTER PRUDENT

Les signataires de l'accord intervenu en terre burkinabé entre parties ivoiriennes déroulent tranquillement leur plan de sortie de crise. Et cela sans accroc observé jusqu'à présent. Il faut toutefois se garder de tomber dans l'euphorie.

L'Accord politique signé dans la capitale burkinabé sous le regard bienveillant du président Blaise Compaoré est entré depuis la semaine dernière dans sa phase pratique avec notamment, la passation de charges intervenue entre Banny et Soro, mais aussi et surtout, avec la publication du nouveau gouvernement. Ainsi donc, lancés dans une sorte de courses aux obstacles, le chef de l'Etat et son premier ministre ont déjà franchi deux haies. Ils s'apprêtent déjà à célébrer la disparition de la zone de confiance le 16 dimanche prochain à minuit. Pour l'heure, tout semble marcher comme sur des roulettes, là où l'on a mis 5 ans sans atteindre pareils résultats significatifs. Cela a suffi pour créer beaucoup d'optimisme dans la plupart des foyers et bureaux ivoiriens. Dans le camp présidentiel l'optimisme a même cédé la place à l'euphorie surtout au vu de la mouture définitive du gouvernement publiée samedi dernier. Une mouture où Laurent Gbagbo s'en sort beaucoup mieux que toutes les fois précédentes. Cette situation de triomphalisme nous fait penser au climat qui avait également prévalu sur le théâtre politique national en août 2002 lors de la formation du gouvernement de large ouverture initié par le chef de l'Etat. On se souvient qu'à cette époque, le Rdr, seule formation politique qui jusque là boycottait le gouvernement, avait enfin décidé de tenir sa place. Les démocrates avaient alors applaudi cet assouplissement des "républicains" en clamant que plus rien de fâcheux ne pouvait encore arriver au pouvoir Fpi. Deux mois après, la guerre a éclaté à la surprise de la plupart des Ivoiriens. Autre fait qui se situe dans la même foulée, l'arrestation suivie de la remise,- le 17 septembre de la même année-, aux autorités ivoiriennes, de Sia Popo, auteur d'un casse historique à l'agence de la Bceao d'Abidjan-Plateau. Cet évènement, fortement médiatisé du reste, et qui marquait la décrispation entre autorités ivoiriennes et burkinabè, a fait croire à nos concitoyens que plus aucun mal ne pouvait désormais venir du Faso voisin. Seulement deux petits jours plus tard, des bandes armées, en provenance de Ouagadougou et conduites par Guillaume Soro, ruinaient toutes les espérances en endeuillant nuitamment la Côte d'Ivoire. C'est encore de fraîche mémoire. C'est pourquoi si l'on applaudit chaleureusement l'application effective de l'Accord de Ouaga, il convient toutefois de rester sereins et éveillés. Car ce serait trop facile que tout aille à l'image du cours d'eau qui coule tranquillement, le marigot politique ivoirien nous ayant habitué à tellement de crocs-en-jambes et autres tacles rageurs. Quand on a vu le raidissement dont ont fait preuve les leaders du G7 envers Soro, pendant la constitution du gouvernement, il y a lieu de tempérer l'optimisme. Aussi rien ne dit que la France qui s'est investie aussi lourdement, aussi bien sur le plan financier que militaire, laissera couler tranquillement les choses, avec à la clé un triomphe total de Laurent Gbagbo, l'ennemi juré. Autant dire que le serpent n'est pas encore mort. Croisons les doigts.
Géraldine Diomandé

Cap sur la suppression de la zone de confiance
Les Ivoiriens piaffent d'impatience. Ils ont hâte de voir enfin poindre à l'horizon, la paix mille fois promise mais jamais offerte. En définitive, ils n'ont pas tort. Une volonté réelle de décrispation existe mais encore faut-il que de part et d'autre, l'on matérialise pour la paix les nombreux paniers de Ouagadougou. Qu'est-ce que cela voudrait bien dire ? Le temps est simplement venu de mettre le cap sur les sujets qui ont jusque-là fâché mais qui sont désormais "fréquentables". En commençant par le commencement, la question de la suppression de la zone de confiance, vient ainsi à point nommé. Surtout que son début est fixé au 16 avril prochain. Là-dessus, représentants des forces loyalistes et rebelles ivoiriens, de l'ONU et de l'armée française, selon une information reçue par l'AFP auprès de l'ONU, ont convenu de se rencontrer ce mercredi après-midi à Abidjan, pour évoquer les modalités de la suppression de la zone de confiance. "Il y aura ce mercredi après-midi une réunion quadripartite réunissant les forces ivoiriennes et impartiales pour discuter des modalités pratiques de la suppression de la Zone de confiance", a confirmé un responsable de l'ONU. Une autre source proche du dossier a indiqué quant à elle que "les modalités pratiques de l'évolution de la zone et du redéploiement des forces impartiales restent floues et à définir, et doivent être évoquées " ce jour. Toute chose qui donne du piment et de la matière à la réunion de cet après-midi et qui fait que de façon indiscutable, la question de la zone de confiance sera sérieusement débattue. De sorte que ceux qui ont à débarrasser le plancher le fassent en toute quiétude et que la confiance entre les Ivoiriens de tous bords reprenne là où elle avait été bottée en touche. Au-delà des mots, les différents acteurs de ce mercredi ont obligation de rendre effective la volonté de tous les Ivoiriens de voir cette zone "à problèmes" disparaître. Cela, et rien que cela, sera déjà un pas vers le retour véritable à une confiance réciproque. Après quoi, la suite du chronogramme, avec comme priorité suivante le désarmement des milices, suivra. Au total, les protagonistes Ivoiriens entrent dans le vif du sujet à partir de la réunion de cet après-midi. Il s'agira pour les uns et les autres, non seulement de ne pas faire mentir le Général Fernand Amoussou de l'ONUCI (qui annonçait samedi dernier l'effectivité de cette suppression à partir du 16 avril), mais aussi et surtout en ce qui concerne les Ivoiriens eux-mêmes, de respecter les signatures de Ouagadougou. Trop de documents ont, en effet, été signés sans un moindre commencement de sagesse. Mettre en œuvre, même "bêtement" Ouaga, serait déjà le vrai début de la paix. Cela passe nécessairement par la suppression de la zone de confiance.
William-Varlet ASIA

Dépasser les clivages politiques
La Côte d'Ivoire s'ouvre de plus en plus aux vents de la concorde nationale. Des vents chargés d'espérance, dont on espère qu'ils feront oublier le mauvais climat qui avait prévalu depuis un certain jour de septembre de 2002. Mais, pour l'heure, tout, pratiquement, laisse croire que la crise appartient désormais au passé. Il est vrai, la communauté internationale, tout comme le peuple ivoirien, avait fini par se lasser d'une guerre dont ils tardaient à voir la fin. Un peuple qui, à vrai dire, n'espérait plus rien d'autre que la fin du théâtre d'ombres qui se jouait à Abidjan, et qui priait pour qu'enfin les acteurs politiques ivoiriens acceptent de fumer le calumet de la paix et chantent le couplet d'une véritable réconciliation. De toute évidence, du point d'honneur que le président ivoirien mettra à appliquer l'Accord de Ouagadougou résultant du Dialogue direct dont il a eu l'initiative, dépendront en grande partie les effets du nouvel air qui souffle sur ce pays. Mais, fort heureusement et pour le bonheur du peuple ivoirien, on peut croire que la paix se signale enfin. Elle semble à portée de main. D'autant que, jusque-là, le chronogramme de l'Accord de Ouagadougou a été scrupuleusement respecté. Le moins que l'on puisse dire, c'est que les bons signes et les signaux forts ne manquent pas. Il y a tout d'abord que le président ivoirien Laurent Gbagbo et son Premier ministre semblent avoir été guidés par le souci de constituer une équipe qui contente au mieux l'ensemble des acteurs politiques. Mais aussi de former un gouvernement qui ne manque pas de symboles. Non seulement la clé de répartition des portefeuilles a tenu compte de l'équilibre souhaité par les deux forces signataires de l'Accord de Ouagadougou, mais en plus elle a été telle que les autres partis ont été représentés, conformément à l'esprit de concorde nationale. Le ministère de la Justice, ceux de la Solidarité et des Victimes de guerre sont tombés dans l'escarcelle des Forces nouvelles. Les portefeuilles de la Défense et de l'Intérieur, eux, ont été dévolus au parti présidentiel. Comme on le constate, les deux principaux signataires de l'Accord, Forces nouvelles et FPI, s'octroient deux ministères clés, la Justice et l'Intérieur. Deux départements hautement stratégiques, du point de vue notamment de la conduite des audiences foraines destinées à l'identification des électeurs pour la future présidentielle. A ce propos, l'un n'excluant pas l'autre, le fait que ces deux ministères ne soient concentrés ni entre les mains du FPI ni entre celles des Forces nouvelles, devrait approfondir les sillons conduisant à une Côte d'Ivoire unifiée. On s'en souvient, la marche vers les élections avait plusieurs fois buté sur l'impossibilité de tenir ces fameuses audiences. Le travail de complémentarité auquel seront certainement soumis les deux ministères, devrait sans doute donner un coup d'accélérateur à ce délicat point de la feuille de route. Quant au portefeuille de la Défense, qui échoit entre les mains du FPI, quoi penser d'autre sinon que tout cela renforce le sentiment d'un savant dosage destiné à conduire rapidement à l'identification des populations, au désarmement, à la réunification du pays et aux élections. Reste maintenant que chacun, à son niveau, garde bien ses vaches tout en travaillant dans un esprit de franche collaboration. Pour aller véritablement à la paix, la nouvelle équipe, qui ne doit jamais perdre de vue sa mission qui est celle de la réunification du pays, doit toujours garder présente à l'esprit la réconciliation. C'est pourquoi chaque ministre ne doit voir ni l'intérêt personnel ni celui du parti qu'il représente. En aucun cas l'appartenance politique ne doit être un obstacle à la nouvelle dynamique entamée. Le Premier ministre ivoirien devra s'attacher à la cohésion et à la bonne marche de ce gouvernement dit de mission. Rien, absolument rien, ne devrait faire oublier l'esprit et la lettre de l'Accord politique de Ouagadougou (…).

Lu dans ''Le Pays''

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