jeudi, 29 mars 2007

NOUVEAU CHEF DU GOUVERNEMENT


Le Matin d'Abidjan
Comment Gbagbo et Blé Goudé ont couronné Soro

Il a succédé depuis lundi dernier à Charles Konan Banny, l'ancien locataire de la maison blanche du Plateau. Ce triomphe, Guillaume Soro, plus que tout, le doit à un gros investissement politique de ses adversaires du camp présidentiel ivoirien. Démonstration.

Depuis avant-hier et en attendant la signature du décret présidentiel devant achever la procédure d'officialisation de sa nomination, Guillaume Soro est le nouveau premier ministre de Côte d'Ivoire. Il devient ainsi le 4ème du genre depuis la dernière présidentielle ivoirienne d'octobre 2000. Une grosse promotion pour cet ancien leader étudiant qui a pris les armes contre son pays un soir de septembre 2002. Et cela au grand malheur de son aîné Charles Konan Banny, tombé en disgrâce vis-à-vis de la communauté internationale et aujourd'hui contraint de prendre l'ascenseur retour en direction de son Yamoussoukro natal. La victoire ayant la paternité multiple, c'est sûr qu'il s'en trouvera pour revendiquer l'élévation de Guillaume Soro au poste de nouveau " primus ". Sans forcément nier l'investissement des uns et des autres, nous relèverons objectivement deux faits politiques majeurs qui ont servi de véritables adjuvants au succès du Sg du Mpci. Il s'agit en premier, du dialogue direct proposé par le président Laurent Gbagbo à la rébellion. La main tendue du chef de l'Etat s'est véritablement présentée comme une aubaine pour " Bogota " et les siens,- menacés par l'usure du temps et le délitement de leur mouvement-, pour se relancer politiquement. Car au plan international comme en interne, leur étoile n'était plus aussi brillante qu'au début de la crise. En effet, l'histoire des rébellions en Afrique nous enseigne que plus un mouvement rebelle s'inscrit dans la durée plus il s'expose à une violente crise interne, les uns criant à la trahison des autres. Et dans le cas singulier de Guillaume Soro, l'on n'était pas très loin d'un pareil cas de figure avec la grogne continue des combattants faméliques, qui regardaient, le cœur serré et la gorge nouée de rage, les chefs s'embourgeoiser après avoir tourné le dos à la mission initiale : celle de chasser Laurent Gbagbo du pouvoir. Le regard perçant des soldats était devenu une réelle menace pour la sécurité du n°2 du gouvernement sortant. C'est en cela que la proposition d'enrôler 40.000 jeunes dans le service civique national a été considérée à Bouaké comme une véritable manne céleste. Parce qu'elle réglait du coup la question de la réinsertion des jeunes qui ont cru au mouvement rebelle en abandonnant travaux champêtres et autres petits métiers. Donc en prenant au bond la balle à lui lancée par le président Laurent Gbagbo, d'un, Soro a trouvé une réponse à l'attente de ses combattants mais de deux et fait majeur, il est devenu le nouveau patron de l'opposition ivoirienne ; un statut que lui ont longtemps refusé les partis houphouétistes du Rhdp. On a encore en mémoire le revers que ceux-ci lui avaient fait subir en décembre 2005, lorsque Guillaume avait clairement exprimé son désir de briguer la primature suite au limogeage de Seydou Diarra. Désormais hissé sur ce piédestal, il fallait maintenant préparer les populations du Sud à l'accepter dans leurs cœurs meurtris par cinq longues années de crise. C'est à ce niveau,-et c'est le deuxième fait-, qu'intervient la partition de Charles Blé Goudé. Ce dernier avec la caravane de la paix dénommée " prends ma main mon frère, prends ma main ma sœur ", a aidé à désarmer les cœurs et mieux, à les préparer à recevoir Soro à Abidjan. Pendant plus d'un mois, on a ainsi vu le leader des jeunes patriotes parcourir les principales villes de la zone gouvernementale pour appeler au pardon et à l'acceptation des adversaires d'hier. Travailler à extraire la haine des poitrines des victimes et autres déplacés de guerre. Ainsi préparées psychologiquement, les populations du Sud ont aisément digéré la nomination de Soro à la primature. Un schéma quasiment impossible il y a quelques mois. Car la crise ivoirienne nous a montré qu'une chose est d'être nommé et une autre est de pouvoir être accepté effectivement à Abidjan. Seydou Diarra en sait quelque chose, lui qui un soir de janvier 2003, n'avait pas pu atterrir à l'aéroport Félix Houphouët-Boigny de Port-Bouët, après sa nomination à l'ambassade de Côte d'Ivoire à Paris, suite à l'Accord de Linas-Marcoussis. Le septuagénaire avait dû détourner son avion sur Dakar, le temps que le volcan abidjanais se calme. Voilà comment mis l'un dans l'autre, Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé ont organisé le couronnement de Guillaume Soro à la primature. Pour le réussir ils ont dû puiser au fond d'eux-mêmes pour se détourner de la haine qu'ils étaient naturellement en droit de nourrir vis-à-vis du leader du Mpci pour tous les coups portés au camp présidentiel depuis le 19 septembre 2002. Ils ont montré que dans l'intérêt supérieur de la paix et de la Nation, ils étaient capables de dépassement et d'abandon des ressentiments personnels. C'est assurément une leçon politique à Bédié et Ouattara qui gardent chacun une dent vengeresse contre le chef de l'Etat auquel ils reprochent bien des choses.

Géraldine Diomandé

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