jeudi, 29 mars 2007

BLE GOUDE ( LEADER DES PATRIOTES) : “ LE POSTE DE MINISTRE NE M'INTERESSE PAS ”

SOIR INFO, QUOTIDIEN IVOIRIEN D'INFORMATIONS GENERALES

ACCORD DE OUAGA, PROCHAIN GOUVERNEMENT
Blé Goudé ( Leader des patriotes) : “ Ce que je gagne dans l’accord de Ouaga ”

jeudi 29 mars 2007 par Charles TRA BI

Charles Blé Goudé, secrétaire exécutif du Congrès panafricain des jeunes et des patriotes (Cojep), se prononce, dans cette interview, sur l’Accord de Ouaga et la nomination de Guillaume Soro à la primature.

M. Blé Goudé, l’Accord politique de Ouagadougou, semble-t-il, fait l’affaire des jeunes patriotes. Pourquoi ?
Charles Blé Goudé : Je dirai plutôt que l’Accord politique de Ouaga fait l’affaire de la Côte d’Ivoire. Cet accord-là, il faut le dire, redonne à la Côte d’Ivoire sa souveraineté. C’est un accord qui donne aux Ivoiriens leur dignité. En ce sens que l’Accord de Ouagadougou est la conséquence d’une proposition de dialogue direct, proposition faite par le président de la République de Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo, à son jeune frère, Soro Guillaume. Celui-ci l’a accepté et le résultat est là. Ainsi donc, par leur seule volonté, les Ivoiriens, en palabre, se sont retrouvés en terre africaine. Voilà l’importance historique de l’Accord de Ouagadougou.

Qu’est-ce qui, dans le fond de l’Accord de Ouaga, donne de l’espoir ?
C. B. G : Ce qui donne de l’espoir, c’est ce que je viens de vous dire. Et ce que je viens de vous dire est très important. C’est même plus important que tout. Le fait que, par leur seule volonté, les Ivoiriens eux-mêmes se retrouvent, signent un accord par eux-mêmes, sans contrainte, mais bien plus, sur un sol africain, c’est-à-dire à Ouagadougou, donne de l’espoir. A Ouagadougou, tout le monde était présent. Quand je parle de tout le monde, je ne parle pas de ceux qui s’étaient invités dans le débat, je parle de ceux qui sont concernés. C’est-à-dire la partie présidentielle qui est aux affaires et ceux qui ont pris les armes. Donc, les deux camps, les deux protagonistes étaient présents à Ouaga. Il y a aussi que celui qu’on avait accusé d’être à la base de cette rébellion, donnant gîte et couvert à cette rébellion, était aussi présent, affichant aussi sa volonté de mettre fin à cette crise. Tout le monde était donc présent. Et tous ont affiché leur volonté de sortir la Côte d’Ivoire de cette crise. Ce qui fonde ma confiance en cet accord, c’est que pour une fois, la proposition de dialogue direct de Ouaga est venue des acteurs eux-mêmes. Le président Blaise Compaoré, qui était le facilitateur du dialogue, n ‘a fait qu’écouter les acteurs ivoiriens. Ils ont compris finalement qu’ils avaient un même objectif, celui de ramener le calme en Côte d’Ivoire.

Tout le monde était à Ouaga, sauf vous, qui êtes aussi un acteur important de la crise. Pourquoi n’avez-vous pas effectué le déplacement ?
C. B. G : Même absent à Ouaga, j’ai pris part au dialogue direct. Moi, j’étais en train de faire mon dialogue avec le peuple à travers la caravane de la paix. Vous auriez remarqué que pendant que le dialogue direct se déroulait au Burkina Faso, j’étais dans une caravane de la paix, pour préparer les esprits des Ivoiriens à enlever la haine dans leur cœur. Voyez-vous, quel que soit l’accord qui est signé à Ouagadougou ou ailleurs, si le peuple pour lequel cet accord est signé ne l’accompagne pas, ne l’accepte pas, ne le soutient pas, je pense que c’est peine perdue. Et donc, étant avec le peuple à travers la caravane de la paix, j’ai fait ma part de dialogue direct.

En acceptant d’être Premier ministre, Soro a-t-il fait le pas qui sauve, comme vous le lui avez demandé, il y a quelques jours ?
C. B. G : Oui ! Je pense que Soro a fait le pas qui sauve. En ce sens qu’il a montré, en acceptant le poste de Premier ministre, qu’entre nous Ivoiriens, nous sommes capables de régler nos problèmes sans avoir forcément recours aux autres. Entre nous Africains, entre nous Ivoiriens, nous sommes capables de régler nos problèmes. Soro n’a pas écouté les chants du cygne. Ceux qui voulaient l’utiliser, en lui demandant de maintenir le statu quo de la division artificielle de la Côte d’Ivoire, jusqu’au 31 octobre 2007 pour encore solliciter l’Onu, je pense que la désillusion de ceux-là est totale. Soro a pensé aux Ivoiriens, à la Côte d’Ivoire. Au moment où j’ai dit à Guillaume Soro de faire le pas qui sauve, c’était au moment où il devait se prononcer sur sa proposition d’être Premier ministre ou pas. Aujourd’hui, il a accepté d’assumer cette haute responsabilité étatique. C’est un grand pas qu’il a fait.

Reste que Soro exige du chef de l’Etat des pouvoirs propres pour assumer ses responsabilités.
C. B. G : Je ne rentre pas dans ce débat. Je pense que Soro et le président de la République, tel qu’ils ont discuté dans le secret pour arriver à un accord, je pense qu’ils ont encore le temps nécessaire pour parler de tout cela. Mais en tout état de cause, ce que je peux conseiller à Soro, c’est de capitaliser les erreurs de Seydou Diarra et Konan Banny. Que Soro évite une attitude de défiance vis-à-vis du chef de l’Etat. Il doit tirer les leçons des échecs précédents de Diarra et de Banny, pour aller à la paix. En tout cas, je voudrais féliciter Soro pour sa nomination et pour l’esprit qu’il a fait régner autour du dialogue direct de Ouaga. Je voudrais le féliciter parce que je sais qu’il y avait des pressions sur lui, mais il a tenu le coup.

De quelles pressions parlez-vous ?
C. B. G : Ce n’est pas à moi de vous le dire. Vous avez vu le défilé qui a eu lieu à Ouagadougou lors du dialogue direct. Le Rdr y est allé, le Pdci qui y est allé. En fait, je veux dire que ceux qui pensaient manipuler Guillaume Soro se sont rendus compte qu’il se sont trompés. On ne manipule pas un Fesciste, qui a fait la clandestinité. Le Fesciste, quand il prend un combat, il connaît les limites du combat, il sait jusqu’où aller, jusqu’où ne pas aller.

Qu’attendez-vous concrètement de Guillaume Soro ?
C. B. G : J’attends qu’il travaille pour les Ivoiriens, qu’il travaille à mettre fin à la situation de guerre qui prévaut dans le pays. Qu’il fasse en sorte qu’il n’y ait plus une Côte d’Ivoire du nord et une Côte d’Ivoire du sud. J’attends de Soro qu’il dépose les armes, qu’il fasse en sorte que la Côte d’Ivoire redevienne une. Et que les Ivoiriens puissent aller librement à Bouaké, à Abidjan et partout en Côte d’Ivoire.

Qu’est-ce qui vous donne la certitude que M. Soro ne va pas feinter ou dribbler Gbagbo ?
C. B. G : Je n’ai jamais dit que j’ai la certitude que Soro ne va pas feinter ou dribbler Gbagbo. Parce que quand vous me dites qu’est-ce qui me donne la certitude, cela laisse croire que je vous ai dit que j’avais la certitude que Soro ne va pas trahir Gbagbo. Mais, je dis qu’il faut donner la chance au président et au prochain Premier ministre de faire en sorte qu’on aille de l’avant. Il ne faut pas être pessimiste dès le départ. Il faut donner la chance à l’Accord de Ouaga. Parce que comme le président Gbagbo l’a dit, l’échec de cet accord serait catastrophique. S’il y a échec, on ne pourra plus accuser Jacques Chirac ou quelqu’un d’autre, parce que c’est nous-mêmes qui avons signé cet accord, il faut que les Ivoiriens donne la chance à cet accord.

Il est désormais question de la formation d’un gouvernement dans lequel vous êtes annoncé comme ministre d’Etat...
C. B. G : C’est vous qui m’apprenez que je suis annoncé au prochain gouvernement. Pour l’heure, je suis en train de faire la caravane de la paix. Je pense que je suis occupé à voir comment nous allons organiser l’apothéose de la caravane de la paix. Nous nous préparons à prendre la route de Bouaké, pour y faire notre meeting. Pour ce qui est de ma présence au prochain gouvernement, c’est vous qui m’informez. Moi, je fais tranquillement ma caravane de la paix. Je viens à peine d’arriver de San Pedro, où je suis allé réconcilier les jeunes gens de la Fesci, du Cojep, les jeunes Kroumen. Les rumeurs de ma nomination en tant que ministre me sont parvenues à travers la presse. Je n’ai pas de commentaire à faire sur ces rumeurs. Moi, je continue ma caravane de la paix tranquillement.

Accepteriez-vous un poste de ministre au sein du prochain gouvernement ?
C. B. G : Moi, je me considère comme un arbitre de touche. Si je rentre sur l’aire de jeu, qui va maintenant siffler les fautes ? J’ai envie de dire que je préfère partager la souffrance des Ivoiriens que de partager des postes ministériels. Nous n’en sommes pas encore là, ce n’est pas important. Cherchons à recoller les deux morceaux de la Côte d’Ivoire. C’est cela qui est le plus important. Pour l’heure, c’est Soro Guillaume qui a été désigné pour être le nouveau Premier ministre et c’est ce que tout le monde sait.

Si Blé Goudé n’est pas ministre, que gagne-t-il dans l’accord de Ouaga ?
C. B. G : Ce que je gagne, c’est que mon pays retrouve la paix. Ce que je gagne, c’est que mon pays s’est donné les moyens de sa réunification. Ce que je gagne et je l’espère, c’est que mes frères du nord et du sud vont se saluer, que désormais, on ne parlera plus d’une Côte d’Ivoire sous contrôle Forces nouvelles, sous contrôle gouvernemental et qu’on parlera d’une seule Côte d’Ivoire. C’est cela que, moi, je gagne. Voyez-vous, en quittant l’Angleterre pour rentrer en Côte d’Ivoire en 2002, ce n’était pas pour chercher un portefeuille ministériel. Je suis rentré au pays parce que je savais qu’il fallait aussi que les fils de ce pays prouvent qu’ils peuvent se sacrifier pour leur pays. Quand on gifle ton père en ta présence, ce n’est pas ton père qu’on a giflé, c’est à toi qu’on a lancé un défi. Quand on veut mettre mon pays à genoux, en ma présence, et qu’on veut faire croire que mon pays doit être le dernier, c’est un défi qu’on me lance. Je suis content qu’aujourd’hui, les Ivoiriens aient compris qu’il faut qu’on mette fin à cette guerre, que chacun taise son orgueil, qu’on arrête les calculs politiciens et puis qu’on sorte ce pays de cette guerre pour qu’on fasse autre chose.

Vous avez déclaré que vous êtes désormais au pouvoir avec Soro à la Primature. Qu’est-ce à dire ?
C. B. G : J’avais voulu dire que nous les enfants de pauvres, nous sommes au pouvoir désormais. J’ai dit que nous avons pris le pouvoir, nous les Ivoiriens, parce que c’est le premier des Ivoiriens, le Chef de l’Etat qui, par sa volonté, est en train de faire de Soro Guillaume Premier ministre de Côte d’Ivoire. C’est par la volonté du chef de l’Etat et de Soro que l’accord de Ouaga a été signé. Vous comprenez, c’est par sa volonté que les fils de la Côte d’Ivoire se sont assis et ont impulsé le dialogue direct. Pour moi, c’est très important parce que jusque-là, on nous imposait des Premiers ministres de l’extérieur du pays. Celui que le chef de l’Etat vient d’appeler à ses côtés, celui qu’on peut appeler désormais le Premier ministre Guillaume Soro, moi, je le connais bien. Ses parents sont pauvres, tout comme les miens. Alors, quand je fais ce constat, je constate que les enfants de pauvres que nous sommes avons désormais accès au sommet de l’Etat. Mais, seulement, c’est la manière pour y arriver que je condamne. Mais, je pense que tout individu peut changer. Donnons la chance à chaque individu de changer. En Afrique du Sud, j’ai vu la Commission vérité et reconciliation et j’ai vu des Sud-Africains qui ont été tués et massacrés, mais le pardon a prévalu. C’est ce que nous souhaitons pour la Côte d’Ivoire.

Vous demandez donc aux Ivoiriens de pardonner à Soro ?
C. B. G : Pas seulement à Soro. Je veux que tous les Ivoiriens se pardonnent réciproquement. Moi, je suis en train de faire la campagne de la paix. Quand je suis en train de faire la campagne de la paix, je ne peux que pardonner et demander aux gens de pardonner. La valeur du pardon réside dans la gravité de l’acte pardonné. Oui, je demande aux Ivoiriens de pardonner à tous ceux, au nord comme au sud, qui leur ont fait du mal. Voyez-vous, je n’ai pas combattu Guillaume Soro, j’ai combattu la prise des armes, il faut que ce soit très clair. Aujourd’hui, avec l’évolution de la situation, nous nous rendons compte que notre position, que notre division est exploitée par ceux qui se font passer pour notre tuteur éternel pour retarder notre pays.

Vous pardonnez à ceux qui ont pris les armes et vous êtes pour la mise à l’écart du Premier ministre Banny. N’est-ce pas que cela crée d’autres frustrations ?
C. B. G : Banny est mis à l’écart par qui et pourquoi ? Banny est-il mis à l’écart parce qu’il n’est plus Premier ministre de Côte d’Ivoire ? Mais, on n’est pas en guerre pour que Banny soit Premier ministre. On n’a pas été à Lomé, à Accra, à Marcoussis et à Pretoria pour que Banny soit Premier ministre. Je demande au Premier ministre Banny d’éviter de dresser les Ivoiriens contre sa personne, d’éviter de jouer les pleurnichards. Pourquoi lui avait-on demandé à Banny de venir occuper la primature ? C’était pour que le pays sorte de la situation de guerre pour renouer avec la paix. Près de deux ans après sa mission, on se rend compte qu’on n’est pas proche de la paix. Nous avons un moteur qui est en panne, nous cherchons les meilleures pièces pour le faire redémarrer, pour faire fonctionner. C’est comme cela qu’il faut comprendre les choses. Mais Banny, qui refuse de voir les choses de cette façon, a mobilisé des chefs baoulé, heureusement que n’est pas eux tous, pour réclamer son maintien à la primature. Des pseudo-chefs qui ont tenu des discours tribalistes, dignes d’une autre époque. C’est vraiment triste que M. Banny ait tenté de mettre des baoulé en rébellion parce qu’il part de la primature. Mais, de cette même primature, Affi N’guessan est parti. Le président du Fpi n’a pas pour autant réuni les Agnis de Côte d’Ivoire pour exiger son maintien. Seydou Diarra est parti, sans demander aux gens de sa région de réclamer son maintien. Le Premier ministre Banny est venu, il a servi la Côte d’Ivoire comme il pouvait, dans les limites de ses possibilités. Aujourd’hui, ceux qui avaient dit oui à sa nomination au poste de Premier ministre ont souhaité son départ. Il doit le comprendre tout simplement et partir sans dresser les Ivoiriens les uns contre les autres.

N’est-ce pas la mauvaise foi des acteurs de la crise, dont vous-même, qui a compliqué les choses à Banny ? C. B. G : Vous pouvez prendre les choses de cette façon, c’est votre opinion. Mais ce que, moi, je suis en train de dire, c’est que quand on vient pour une mission précise et qu’on n’a pas réussi cette mission et que ceux qui vous ont confié cette mission veulent la confier à quelqu’un d’autre, il faut éviter de vous accrocher.

Oui mais, la vérité, c’est que les belligérants de la crise ont rendu difficile la tâche de Banny... C. B. G : C’est Banny lui-même qui rendu sa tâche difficile. Nommé Premier ministre à la faveur de la résolution de la résolution 1633, Banny s’est voulu plus rusé et plus intelligent que les principaux acteurs de la crise. Et tous les acteurs politiques le voyaient comme un animal de la ville qui venait d’arriver en brousse. Et tout le monde le regardait dans tout ce qu’il faisait. Banny s’est cru plus malin que le président Gbagbo, que Bédié, qu’Alassane Ouattara, que Soro. Et tout le monde l’a laissé gesticuler. Après la mort du crapaud, l’on a vu sa longueur aujourd’hui. Banny a voulu se servir de cette crise pour faire de la politique et non pour sortir les Ivoiriens de la situation de guerre. Aujourd’hui, Banny a certainement compris que tous ceux qui le soutenaient dans cette logique suicidaire et qui défilaient chez lui ne le faisait que par intérêt.

Vous êtes annoncé à Bouaké depuis plusieurs semaines. C’est pour quand finalement ?
C. B. G : Le problème de la Côte d’Ivoire ne se pose pas en termes de temps. La caravane de la paix que nous avons initiée va au rythme du dialogue direct. Je dis que nous irons à Bouaké avec l’accord de Guillaume Soro. Nous avons déjà fait le tour de la zone gouvernementale. Le 14 avril prochain, nous faisons l’apothéose de la caravane dans la zone gouvernementale. Il est prévu, en tout cas, qu’une forte délégation de nos frères de Bouaké prenne part à cette apothéose au cpmplexe sportif de Yamoussoukro. Et c’est à cette occasion-là, que la date de notre départ à Bouaké sera connue. Cette date sera annoncée par nos frères de Bouaké, eux-mêmes.

Aucun commentaire: