mercredi, 18 octobre 2006

La mascarade de l'UA " chiraquienne"

Pressés de «régler le cas GBAGBO», les chefs d'Etat africains les plus soumis au diktat de l'Elysée ne se rendent même pas compte qu'ils fragilisent leur propre assise. En effet, si le CPS devient une instance qui peut changer les règles fondamentales d'un Etat et organiser des conspirations putschistes, qu'est-ce qui prouve qu'un jour la jurisprudence qu'ils tentent d'établir en Côte d'ivoire ne s'appliquera pas à eux ? Ils ne se rendent pas compte qu'ils finissent de ridiculiser l'Union africaine, portée sur les fonts baptismaux avec emphase en juin 1999 à Syrte. Une des leçons à tirer du sommet d'Addis-Abeba est que les chefs d'Etat africains ont laissé libre champ aux serviteurs zélés de Paris. 15 chefs d'Etat africains étaient attendus. Seuls 6 sont venus. Parmi eux, 4 défenseurs acharnés de la Chiraquie. C'est dire que le poids de la Françafrîque était aussi fort, sinon plus fort à Addis qu'à Abuja. Ainsi, une dépêche AFP annonçait, en fin de matinée, que les recommandations de la CEDEAO seraient «sans doute avalisées, voire renforcées par le sommet du CPS», selon un haut responsable de l'UA. Comme dans un scénario bien ficelé, le président en exercice du CPS, Paul Biya, a déserté la réunion, afin de laisser libre champ à un Sassou qui venait tout juste de prendre ses ordres à Paris. Lequel Sassou s'est débrouillé pour créer un cafouillage et prendre en otage l'institution, Plusieurs drafts de communiqués finaux ont circulé, à tel point qu'il n'y avait plus que la conférence de presse donnée à la volée par le président congolais pour trancher. Ni la règle du consensus ni celle du vote aux deux tiers des membres votants, mentionnées par les statuts du CPS, n'ont été respectées. En choisissant de se mettre au service d'une force extra-africaine (la France) plutôt que d'agir pour la stabilisation d'un des pays les plus importants du continent, l'UA trahit sa mission. Et se suicide. La postérité ne la jugera pas sur son efficacité à servir de courroie de transmission aux caprices de Paris, mais sur sa capacité à trouver des solutions originales aux crises, respectant la souveraineté des peuples et allant dans le sens de la stabilisation durable du continent. L'histoire aurait pu retenir que le CPS , organe de l'UA, a sauvé la Côte d'Ivoire. Elle se souviendra malheureusement que l'Afrique a abandonné la Côte d'Ivoire aux griffes d'un ex-colonisateur assoiffé de sang nègre, et créé des conditions d'un chaos se nourrissant de l'absurdité d'une communauté internationale dont tout le travail semble être d'accompagner le processus de destruction des institutions de l'Etat, de contrarier les équations majoritaires et d'amplifier les contradictions existantes. L'Union africaine, qui avait montré des signes de dépression très grave au dernier sommet ordinaire de Banjul, s'est suicidée à Addis-Abeba. Il est désormais urgent que le président élu par les Ivoiriens prenne ses responsabilités pour éviter à son pays, dont on aura fait imploser l'armée, une crise de longue durée comme celle du Tchad et de Haïti, où ce type de médicament d'apprenti-sorcier a été expérimenté dans le passé.
Sylvie Kouamé
-- Le Courrier d'Abidjan

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