mercredi, 18 avril 2007

CRISE IVOIRIENNE / CHIRAC, ANNAN, PONCET, TEVOEDJRE, SCHORI... CES GROSSES VICTIMES DE LAURENT GBAGBO

Le Matin d’Abidjan-17/4/2007

Ils sont passés à la trappe. Pas moins de 10 têtes sont tombées, face à la détermination de Laurent Gbagbo, depuis septembre 2002. Au plan interne et externe, ses adversaires même les plus irréductibles ont fini, peu ou prou, par plier l’échine.

“S’il n’a pas réussi à débouler son adversaire Laurent Gbagbo, Jacques Chirac peut lui aussi se réjouir de l’accord entre les deux parties ivoiriennes. A moins d’un mois de son départ de l’Elysée, il laissera derrière lui une situation en voie de règlement. Souvent contestés, la présence des militaires français et l’engagement diplomatique de Paris ont quand même évité l’implosion du pays, comme au Liberia ou en Sierra Leone “, conclut un article paru dans ‘’Libération'’ du lundi 9 avril dernier, sur le processus de sortie de crise. Une façon ou une autre, pour le quotidien parisien de masquer la cuisante défaite du président français en fin de carrière. Maigre consolation en réalité pour Chirac, qui aura multiplié les coups tordus, à l’effet de faire couler le régime de Laurent Gbagbo. Et au moment où il descend de son piédestal, l’héritier de Jacques Foccart doit bien se mordre les doigts. La France qui se targue d’être l’une des toutes premières diplomaties au monde n’a pu isoler le n°1 ivoirien. Il est vrai, Paris a parfois affaibli locataire du palais d’Abidjan qui plie mais ne rompt pas. Chirac part, alors que le chef de l’Etat ivoirien est toujours à la barre. Mieux, Gbagbo tient plus que jamais le levier, et est à deux doigts de sortir son pays de l’impasse, après avoir isolé Paris. Un autre retraité de haut rang doit certainement méditer sur son échec, après avoir ” pactisé avec le diable “. Kofi Annan puisque c’est de lui qu’il s’agit s’est lui aussi embourbé dans le marigot ivoirien. L’ancien patron de l’ONU s’est même discrédité aux yeux de bien de dirigeants de l’Afrique digne, pour son activisme dans la crise ivoirienne. Mais son poids n’a pas été d’un grand secours à la France. On le sait, il a fortement soutenu Jean-Marc de la Sablière, l’ambassadeur français à l’ONU, dans ses projets de résolution sur la Côte d’Ivoire, tendant à ‘’déshabiller'’ Laurent Gbagbo, au profit de Premiers ministres cooptés par l’ex-métropole sous le couvert d’une communauté internationale fortement adoubée. Le diplomate ghanéen n’a malheureusement pour lui pu assouvir les ambitions de son ami et complice de l’Elysée. L’aide de son premier représentant spécial en Côte d’Ivoire a aussi fait flop. De fait, Albert Tevoédjrè, après l’accord de Linas Marcoussis, visant à parachever le coup d’Etat, a été confronté à forte partie. Contre ses manœuvres, Gbagbo qui a parfois semblé vaincu a opposé une farouche résistance. Tevoédjrè aura tout tenté pour arriver à ses fins. Des diatribes lors de ses rapports à New York à son soutien presque au grand jour à la rébellion, tout y est passé. Mais le chef de l’Etat lui a tenu tête. Conséquence, le Béninois compte parmi les grosses ‘’victimes'’ du ‘’Woody'’ de Mama, qui aura fait preuve de ténacité face à l’adversité. Au finish, Gbagbo a exigé et obtenu la tête de l’homme à la toque. Lui qui a eu partie liée avec la France lors des évènements de novembre 2004, lorsque l’armée française a fait feu et tué des dizaines de patriotes aux mains nues, devant l’hôtel Ivoire. Comme Tevoédjrè, l’auteur de cette tuerie, le Général Henri Poncet, commandant de la force Licorne a lui aussi battu en retraite. Sa férocité a été insuffisante pour accomplir sa mission. Manœuvres militaires et diplomatiques En effet, la lourde artillerie militaire de la France que détenait Poncet et ses tueurs à gage n’a pu vaincre le Président ivoirien. L’officier français, après quelques démêlées avec la justice de son pays, s’occupe depuis peu des affaires militaires au sein de l’Union européenne. Et pourtant, son arrivée avait comblé d’aise la coalition anti Gbagbo. Poncet, fort de ces ‘’hauts faits d’armes'’ au Rwanda, était présenté comme l’homme des opérations kamikazes. Qui ne devait faire de Gbagbo et ses partisans d’une bouchée, jubilaient la rébellion et ses soutiens. Comme il a contribué au génocide tutsi et Hutu modérés. Tevoédjrè vaincu donc, c’est Pierre Schori que Annan parachute à Abidjan. Précédé d’une bonne presse, le diplomate suédois a mis peu de temps à ôter son manteau de comploteur à la solde de la Françafrique. Lui aussi a tout mis en œuvre pour déstabiliser le camp présidentiel. Comme son devancier, son bilan ne plaide pas en sa faveur. Il n’a réussi qu’à dresser les patriotes contre lui et le GTI qu’il co-présidait. Dans cette galaxie, des infortunés, il ne faut pas oublier l’actuel premier ministre français Dominique Galouzeau De Villepin. On se souvient que l’homme, très tôt, avait légitimé la rébellion en saluant vigoureusement Soro Guillaume à Bouaké comme pour l’encourager à défier le chef de l’Etat. Généreux en provocation à l’endroit du n°1 ivoirien, il était fou de bonheur à l’idée d’avoir tordu le bras à Gbagbo à la rue Kléber. Mais avec le temps, l’homme a ravalé sa maque et sa désinvolture pour devenir aujourd’hui un ‘’ami'’ de Laurent Gbagbo. Certainement que son lynchage manqué en janvier 2003 à la résidence du chef de l’Etat y est pour quelque chose. En tout, Chirac, Annan et leurs porte-voix ont tous fait choux blancs. Et tous sont repartis tête basse. Destin similaire pour les suppôts locaux de la coalition dirigée par la Chiraquie. C’est d’abord un Seydou Diarra, ‘’légitimé'’ lors du sommet international de Paris Kleber qui parade, après avoir eu maille à partir avec les Ivoiriens. Il finit par atterrir à Abidjan, intégrer ses bureaux du Plateau puis mettre en œuvre l’accord issu de la banlieue parisienne. Il s’autoproclame ‘’dépositaire exclusif'’ de ce compromis, l’un des tout premiers plans pour bouter hors Gbagbo. Diarra a tangué, clamant parfois un chimérique désarmement, se faisant immortaliser à Bouaké avec une kalachnikov en main et engoncé dans un treillis. Celui qui disait à qui voulait l’entendre qu’il allait ” appliquer bêtement l’accord de Marcoussis ” a fait de son mieux. Mais là encore, le chef de l’Etat n’a pas failli. Au point où la CEDEAO, en décembre 2006, s’est résolu à ” changer l’eau et le poisson “. Rideau pour cet homme lige. L’adversité interne, un pétard mouillé Charles Konan Banny lui succède à la Maison blanche d’Abidjan- Plateau. Le banquier qui s’est précipité en Côte d’Ivoire, après avoir, prétend-il, ” appris sa nomination à la radio ” s’est tout de suite mis sur les rails. Il biaise, tenaillé entre ses ambitions politiques et les recommandations de la connexion internationale anti Gbagbo. Il propose le train qui n’a jamais démarré, avant d’en arriver au tadem. C’est que dans la foulée, ses commanditaires veulent pour lui des ” pouvoirs élargis “. Lui-même, comme Diarra, n’a pas le toupet de les réclamer. Paris le presse de prendre des décrets, mais Banny ne peut franchir le rubicond. Puis, arrive le scandale des déchets toxiques. Une aubaine, se lèche-t-il alors les babines ! L’ancien patron de la BCEAO monte sur ses grands chevaux. Il tient, ou du moins le croit-il, sa revanche sur le chef de l’Etat. Il veut les régies financières et l’institution portuaire à sa solde, et y met les moyens. Le ‘’Probo koalagate'’ est donc l’alibi tout trouvé. Banny incrimine ainsi les directeurs généraux du port d’Abidjan, des douanes et le gouverneur du District d’Abidjan. Une condamnation avant le procès, puisque plus tard, l’enquête sur mesure qu’il diligente, enfonce les condamnés. Banny tente un passage en force, espérant tirer profit de l’émotion collective suscitée par le scandale des déchets de la mort. Il s’apprête à clouer définitivement Gossio Marcel, Gnamien Konan et Amondji Pierre et signe sa propre mort politique. Ses forts soutiens élyséens sont impuissants. Laurent Gbagbo rétablit les mis en cause dans leurs fonctions, jugeant la sanction administrative suffisante selon la loi, en attendant les enquêtes judiciaires. Banny est sonné. D’autant qu’au même moment, le directeur général du quotidien gouvernemental qu’il venait d’installer d’autorité est dégommé par la décision présidentielle. Idem pour le directeur de la radio-télévision, qui a commis l’erreur de passer sur les antennes un acte défiance du Premier ministre d’alors: il exige en des termes clairs le retrait des décrets présidentiels au risque de violences généralisées. Ses partisans parviennent ainsi à semer le désordre à Yamoussoukro et dans quelques autres villes. Sans plus. S’en suit un calme plat. Puis Banny est emporté par la bourrasque du dialogue direct. Comme Chirac, Banny doit méditer sur son sort. Guillaume Soro qui a pris le pouvoir à la Primature n’est pas en reste. Le jeune chef de la rébellion revient dans la République. D’aucuns estiment que la diplomatie de Gbagbo a eu raison de lui, à l’instar de ses alliés du PDCI et du RDR. De fait, Konan Bédié et Alassane Ouattara sont l’ombre d’eux-mêmes. Le RHDP qu’ils ont créé à Paris, à l’instigation de la cellule africaine de l’Elysée, est un pétard mouillé. La déception de leurs parrains doit être à la hauteur de l’espoir placé en cette autre manigance : constituer un contrepoids politique fort et crédible, à même de faire front à Gbagbo. L’affaire des déchets toxiques -décidément- a sonné la désillusionné de ceux qui, au sein de la Françafrique, ont cru en ces houphouëtistes. Et l’attitude de Bédié et ADO a pesé lourd dans l’option de Soro de discuter directement avec le chef de l’Etat. La rébellion ayant estimé que ses alliés comptent pour du beurre. Et au moment où le bout du tunnel se profile à l’horizon, d’autres collabos de l’Elysée ne s’en reviennent toujours pas. Il s’agit de Wade, Bongo et Sassou Nguesso, pour ne citer que ceux-là. Dans ce lot, l’ont peut citer des membres influents de la communauté internationale, dont Louis Michel, le président de la Commission de l’Union européenne.

Guillaume N’Guettia
Comme un roseau Ses adversaires politiques ne lui prédisaient pas pareille longévité au pouvoir, surtout après l’éclatement de la guerre en septembre 2002 à Abidjan. Sur la question, on se souvient que Renaud Vignal (paix à son âme), le fantasque ambassadeur de France en poste à Abidjan à cette époque, avait juré que le N°1 ivoirien ne passerait pas les fêtes de fin d’année de l’année 2003 au Palais présidentiel et qu’il serait emporté par la bourrasque de la coalition l’opposition civile et armée. Une prédiction qui s’est avérée fausse car Laurent Gbagbo est toujours en poste et se trouve même aujourd’hui en pôle position pour bénéficier d’un autre mandat pendant que l’ami Vignal, lui, a passé l’arme à gauche. Mais pour arriver là, que d’émotions, que de souffrances vécues par l’homme et ses concitoyens partisans de la souveraineté nationale ! Car il est arrivé des moments où sous la rudesse des coups de l’adversaire, les patriotes et même certains proches du chef de l’Etat ont eu à douter. D’autres étaient déjà prêts à signer la reddition. On a pu le constater à la faveur des évènements de novembre 2004 où la France, après avoir craché le feu sur la tête des patriotes aux mains nues et mitraillé la résidence du président de la République, réclamait sa démission. Il a fallu le courage mais surtout l’intelligence de l’homme pour se sortir de cette mauvaise passe et triompher ainsi des muscles de Jacques Chirac. Puisant des ressources insoupçonnées dans sa puissante foi en Dieu, Laurent Gbagbo, tel un roseau, a souvent plié sous la violence du vent sans pour autant rompre. Dans cette Côte d’Ivoire devenue depuis l’éclatement de la guerre une vaste terre de spiritualité, Dieu le Miséricordieux pouvait-il réellement permettre que l’injustice triomphe du juste ? Que le Mal s’impose au Bien contrairement aux enseignements des Saintes écritures ? Absolument pas, car le combat que mènent Laurent Gbagbo et les démocrates ivoiriens est juste. Il s’agit d’une quête en faveur de la dignité, de la liberté et surtout du droit à exister malgré leur état de pauvreté. Une telle cause ne pouvait qu’arracher l’adhésion du père céleste. Il n’a pas tort, le Général Henri Poncet, d’avoir confié à des proches que quiconque voudrait voir Dieu se manifester devra se rendre en Côte d’Ivoire, où lui en a fait l’expérimentation. Avis aux incrédules et autres déstabilisateurs.

Géraldine Diomandé

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