samedi, 21 avril 2007

CHARLES BLE GOUDE - "DANS NOTRE CRISE, IL NE FAUT PAS VAINCRE L'ENNEMI, IL FAUT LE CONVAINCRE"

Par Le Temps


Avant son meeting historique annoncé pour ce jour, samedi, Charles Blé Goudé s'est livré à Le Temps. Dans cet entretien, il appelle à accepter les ex-rebelles et annonce ce qui sera son nouveau combat pour la jeunesse de Côte d'Ivoire.

Pendant des mois, vous avez parcouru la Côte d'Ivoire et aujourd'hui (21 avril 2007), c'est l'apothéose de tout ce que vous avez fait sur le terrain. A quoi doivent s'attendre les Ivoiriens ?
Effectivement, c'est l'apothéose de la caravane de la paix. C'est aussi l'apothéose de beaucoup de choses. La paix est là. C'est la fin de la guerre, c'est l'apothéose. La fin de plusieurs années de souffrance, la fin des supplices, la fin des calvaires, la fin de la haine, la fin de la division de la Côte d'Ivoire…

Qu'est-ce qui va se passer réellement ?
Mais vous savez que c'est une fête. C'est la fête de la réunification de la Côte d'Ivoire. C'est la fête de la paix, la fête des retrouvailles. Nous allons parler peu, mais nous allons parler utile.

Soyez explicite, président…
Nous avons visité trente cinq (35) villes de la Côte d'Ivoire. Tous les habitants de ces villes seront là pour qu'on répète le message à tous. Mais ce qui va se passer tout à l'heure, à la différence des autres rassemblements, c'est que ce matin, vous ne verrez pas que les jeunes patriotes, vous n'aurez pas que les pro-Gbagbo, mais vous verrez aussi ceux vers qui nous sommes partis. C'est-à-dire nos frères avec qui nous étions en séparation de corps. Et nous avons tous compris que seule l'union peut amener notre pays vers le développement. Vous verrez également des burkinabè dans le stade…

Pourquoi cette précision sur les Burkinabè ?
Le Burkina Faso et son Président étaient considérés comme ceux qui ont donné gîte et couvert à la rébellion ivoirienne. Et à la fin de la crise, le Président burkinabé a été celui-là même sur le sol de qui les discussions ont eu lieu, à la faveur de l’accord de Ouagadougou dont le facilitateur a été le Président Blaise Compaoré. Alors, sa population vient s'ajouter à nous, comme pour dire qu'il n'y a désormais pas de problèmes entre Ivoiriens et Burkinabè. Mais aussi pour dire merci à leur Président, d'avoir conduit les débats et de nous avoir amené à ces conclusions-là. C'est pourquoi, vous aurez aussi des Burkinabè, des Maliens, des Sénégalais et tous les ressortissants de la CEDEAO. Pour la première fois, il y aura des Burkinabè et des Ivoiriens dans un même stade en même temps.

Qui sont les personnalités surprises?
On ne révèle pas les invités surprises, mais il y a un invité spécial qui est le ministre de l'Artisanat et du Tourisme. C'est lui qui va conduire la délégation des Forces nouvelles, je veux parler du ministre Konaté Sidiki, qui sera là.

En les invitant, avez-vous préparé vos camarades pour bien les accueillir ?
Vous allez voir que nos frères vont se retrouver dans un stade qui va les accueillir avec des hourras. Parce que l'objectif ici, c'est que nous, les Ivoiriens, nous ne voulons pas une chose et son contraire à la fois. Quand on n'est pas d'accord, on dit non. Quand on est d'accord, on dit oui. Et notre oui, est un oui. Ce qui sera surprenant, c'est que nos frères viendront sans les gardes du corps onusiens…

Qui va donc assurer leur sécurité?
Mais c'est le peuple de Côte d'Ivoire qui va assurer leur sécurité, pour montrer au monde entier qu'il n'y a plus d'animosité, qu'il n'y a plus d'Ivoiriens de Bouaké et d'Ivoiriens d'Abidjan. Vous allez voir. C'est le peuple qui va les escorter jusque dans le stade, lieu de la fête. Et nous allons danser ensemble. C'est cela la concrétisation de la réunification de la Côte d'Ivoire.

Comment avez-vous réussi à les convaincre à participer à cette fête?
Mais je n'avais pas à les convaincre. Ils ont été convaincus eux-mêmes de ce qu'on doit se retrouver. On convainc celui qui s'entête. On convainc celui qui ne veut pas. Mais les Forces nouvelles voulaient. Depuis le dialogue direct jusqu'à sa conclusion, ils voulaient.

Vous avez annoncé le ministre Sidiki Konaté, mais est-ce qu'il y a d'autres personnes ?
Je vous parle d'une délégation. Si vous voulez, le président de l'Assemblée nationale ivoirien sera là, le ministre de la réconciliation également et je peux vous confier que j'ai sur ma table une invitation de Wattao et de Chérif Ousmane. Ils n'ont pas écrit. Ils se sont fait enregistrer et m'ont envoyé le CD, par les soins de John Djay. Ils m'ont parlé à travers des images de télévision. Ces images vont bientôt passer à la télévision nationale, avant l'événement. Alors chers amis, il y a beaucoup de surprises. Moi, je suis content. Parce que les prudents disent: " c'est trop facile, c'est trop rapide, il y a un piège ". Il n'y a pas de piège. Je les comprends…

Ah bon ?
Oui, on a tellement été habitué aux dribbles, aux blocages, à la mauvaise foi, qu'on se dit : " non, c'est trop facile ". Aujourd'hui, il faut non seulement y croire, mais il faut y travailler…

Sur quoi fondez-vous cette assurance, Blé Goudé ?
Mais moi, j'y travaille depuis des mois. Le Président de la République y travaille. Le Premier ministre guillaume Soro y travaille. Il faut donc qu'on y travaille. Il ne faut pas être assis dans vos rédactions pour dire : " pourquoi, nous y croyons ", non ! il faut y travailler. Chacun dans son domaine d'influence doit y travailler. Tous les Ivoiriens doivent y travailler. Nous devons tous y travailler, pour que ce soit une réalité. Parce que ça doit être une réalité.

Depuis la nomination du Premier ministre Guillaume Soro, avez-vous eu des contacts personnels ou téléphoniques ?
Ce n'est pas important.

Pourquoi ?
Le Premier ministre fait son travail, je fais le mien. Il n'est pas un petit camarade.

Vous étiez des amis, mais chacun était de son côté pendant la crise et aujourd'hui…
Mais bien sûr, maintenant, c'est le Premier ministre de la Côte d'Ivoire. Vous comprenez qu'il a des dossiers étatiques à gérer. Alors quel temps a-t-il pour parler au téléphone pendant deux (2) à trois (3) minutes avec un camarade. Je pense que tout cela viendra. Il y a des dossiers chauds, il a à établir la confiance avec les Ivoiriens, avec des partenaires politiques extérieurs. Il a beaucoup de choses à faire pour la Côte d'Ivoire. Il faut au moins lui concéder cela.

Vous avez dit que vous ne voyez plus Soro comme un rebelle…
Ça vous pose un problème ?

Vous le confirmez ?
Mais depuis le 16 avril 2007, cela s'est davantage confirmé. La zone de confiance a sauté et vous avez entendu Guillaume Soro, dire quand on a parlé de son intervention qui n'était pas prévue, à N'Guatadolikro, ceci: " le chef de l'Etat a donné l'ordre, j'exécute ". J'ai bien aimé cette phrase-là. Ce n'est pas négatif comme soumission. Ça veut dire que c'est la soumission à l'autorité. C'est la démonstration de la bonne foi. Ce que Konan Banny et Seydou Diarra n'ont jamais dit. Vous comprenez. Parce que la différence entre Soro et les deux autres (Banny, Seydou), c'est qu'ils ont été Premiers ministre par la volonté de la France. guillaume Soro lui, l'est par la volonté de Gbagbo, à l'issue d'un travail. Je pense qu'il faut encourager cette équipe. Il faut éviter de remuer le couteau dans une plaie à peine cicatrisée. En tout cas, il faut y travailler et nous y travaillerons.

Vos commentaires sur la zone de confiance qui vient d'être supprimée.
Moi, j'ai été déçu de ce que cet événement n'ait pas été assez médiatisé. On n'en parle comme ça à la télévision. Il y a eu un discours à N'Guatadolikro et on s'est arrêté là. Ce n'est pas la réunification de deux villages en palabre. Notre pays a été balafré, divisé, humilié. Ses fils ont été opposés pendant cinq (5) ans comme l'Allemagne l'a été de 1948 à 1989, pendant plus de 41 ans. Mais le jour de la réunification de Berlin Ouest et de Berlin Est, c'était un événement mondial. Je n'ai pas senti cela. Vous avez même vu l'envoyé spécial qui était sur le terrain dire qu'on ne sentait pas l'organisation. On ne sentait rien. Ce n'est pas moi qui l'ai dit. Ce sont vos confrères qui l'ont dit, en regrettant.

C'est la faute de qui ?
Je ne sais pas.

Qu'auriez-vous souhaité que la RTI fasse ?
Je ne parle de la RTI. Je parle de tout le monde. J'ai été déçu que cet événement n'ait pas connu la médiatisation qu'il fallait, la belle fête qu'il fallait. Vous savez, c'est un acte important, c'est ça l'histoire. Mais c'est cela le problème des Africains. Ils ne savent pas se souvenir et donner de l'importance à ce qui l'est. L'européen au contraire, sait se souvenir de son passé, pour mieux appréhender le présent et construire le futur. Cela manque à l'Afrique. Pendant que la zone de confiance était en train d'être levée, Abidjan était calme, comme si c'était un événement ordinaire. Non! C'était important, mais je n'ai pas senti cela, ça m'a un peu déçu.

Vous auriez dû organiser cela, parce que quand Blé Goudé veut quelque chose…
Ecoutez, c'était un événement étatique. Et l'Etat paie des gens pour ça.

Une République qui se réunifie n'est pas une affaire au seul Etat, c'est une affaire de tout le monde…
Je dis que les gens en ont fait une affaire d'Etat. Mais l'essentiel, c'est que notre pays est réunifié. On aurait juste voulu que ce soit une belle fête partout dans le pays.

Les obstacles sont levés. A quand le voyage de Blé Goudé à Bouaké ?
Dès l'instant où le pays est réunifié, le voyage de Blé Goudé n'est plus un voyage extraordinaire. C'est un voyage ordinaire.

C'est quand même le premier depuis la crise…
Oui, mais c'est un voyage ordinaire. Depuis la suppression de la zone de confiance, l'Ivoirien lambda peut se lever et aller à Bouaké…
Nous parlons de Blé Goudé en tant que leader des patriotes et non un vulgaire individu. Un leader ne peut pas se lever pour aller à Bouaké comme ça. Il y va pour un événement…

Quel événement ?
Dites-le nous.
C'est vous qui êtes en train de m'inviter à un événement, alors je veux savoir…

Wattao et Chérif Ousmane vous ont invité…
Mais laissez-moi finir la fête d'aujourd'hui. Ensuite avec Wattao, Chérif Ousmane, Konaté Sidiki et tous les autres, nous prendrons le temps de préparer ce que vous appelez événement à Bouaké. Mais, moi, je souhaite que tous les voyages à Bouaké soient maintenant des voyages ordinaires. Vous comprenez. Il ne faut plus que cela soit entouré de précautions. Parce que c'est cela qui est bien pour notre pays. Que Blé Goudé parte à Bouaké pour un meeting, il faut que ce soit comme s'il partait à Gagnoa ou à Bondoukou pour le faire. Parce que la réunification du pays appelle à cela.

Après l'apothéose de ce matin, quel sera votre prochain combat ?
Ecoutez, nous allons consolider les comités de paix que nous avons créés dans toutes les zones. Nous allons les étendre partout sur le territoire national, c'est-à-dire, au Nord, au Centre, au Sud, à l'Ouest et à l'Est de la Côte d'Ivoire. Pour nous, cela revêt un caractère important. La jeunesse ivoirienne adopte le comité de paix. C'est après cela que nous allons engager le combat dont je vous avais parlé.

De quel combat s'agit-il ?
Désormais on accorde une importance à la jeunesse partout. Que ce soit dans les instances des partis politiques, aux postes de nomination dans les ministères etc. la jeunesse va exiger un quota.

C'est cela votre nouveau défi ?
Oui, nous allons lutter pour la jeunesse de Côte d'Ivoire, sans couleur politique, sans couleur ethnique, sans couleur religieuse. C'est le nouveau challenge de la jeunesse ivoirienne.

Charles Blé Goudé, les jeunes patriotes sont taxés de casseurs par des gens à l'extérieur. Qu'avez-vous à dire à ceux d'entre eux qui se battent pour revenir dans votre pays ?
Ecoutez, moi je n'ai pas à leur répondre. Vous savez que nous n'avons pas été pris en compte. La dimension sociologique de la guerre n'a pas été prise en compte. Les gens ont pensé qu'il suffisait de prendre les fusils pour attaquer et puis c'est terminé. Alors le système chiraquien a été gêné par notre présence et nos actions. D'où notre diabolisation. Mais on n'avait pas à rougir. Pour nous, l'important dans un combat, n'est pas de vaincre l'ennemi. Il faut le convaincre pour le rallier à votre cause, afin qu'il comprenne que vous n'êtes pas celui qu'il veut que vous soyez, mais que vous êtes vous-même. Dans cette guerre, nous avons été nous-mêmes. Nous ne sommes pas passé sur des plateaux de télévision ou sur des chaînes de radios internationales pour nous justifier. Nous sommes restés en Afrique. On nous a sanctionné. Nous sommes restées chez nous…

Cela vous frustre ?
La grande frustration que moi j'ai vécue, ce n'est pas de n'avoir pas été en France ou ailleurs en Europe. La grande frustration que j'ai vécue, c'est de n'avoir pas été à Korhogo, à Bouaké, à Man. Aujourd'hui, je peux le faire, vous pouvez le faire et Kouakou peut aller à N'Gatadolikro. Yao peut aller à Lolobo. C'est ce qui est important. Maintenant, ceux qui ont estimé à un certain moment qu'il faut fuir les jeunes patriotes, dites leur que mon pays (la Côte d'Ivoire) est réunifié et qu'ils peuvent revenir.

Avez-vous un appel à lancer aux Ivoiriens pour les jours à venir ?
Je dis aux Ivoiriens que la méthode que nous avons employée est certes une méthode lente, mais sûre. Il y en a qui étaient pressés et disaient ceci : "on ne comprend plus Gbagbo. Les Blé Goudé ont été ramollis par Gabgbo, vraiment on ne comprend plus rien. On ne sait plus quoi faire… ". Mais Gandhi a suivi ce chemin. Le chemin du combat pacifique est un chemin lent, mais c'est un chemin sûr. Et je suis content qu'aujourd'hui, les Ivoiriens aient retrouvé la liberté de leur territoire, par le fait que le Chef de l'Etat, les Forces nouvelles et d'autres chefs d'Etat africains, aient décidé que la Côte d'Ivoire soit réunifiée. Je pense que c'était le passage obligé. Il faut maintenant consolider cet état de fait et tourner aux intérêts politiques particuliers. Il faut que les leaders politiques qui pensent que s'ils ne sont pas candidats, ce n'est pas bien pour eux, sachent que nous ne sommes pas là pour eux. Nous voulons aussi construire ce pays et en bénéficier. J'insiste sur le fait que les ivoiriens doivent comprendre que dans un combat, l'important n'est pas de vaincre l'ennemi, mais le convaincre. J'ai été heureux que le Premier ministre Guillaume Soro ait dit que la guerre est à proscrire. La guerre n'est pas bonne. Ça veut dire que la démocratie a triomphé. L'essentiel, c'est qu'on parle le même langage, aujourd'hui. Il faut tourner dos au passé. Il faut éviter de frustrer. Je souhaite que les Ivoiriens acceptent Wattao, Chérif Ousmane, Guillaume Soro, Fofié Kouakou, Konaté Siriki, Tuo Fozié, Koné Zakaria, Koné Messamba et tous les autres, partout en Côte d'Ivoire. Et vous verrez qu'eux aussi vont nous accepter. C'est vrai qu'il y en a qui doutent, mais il faut au moins essayer. C'est possible et cela est important pour notre pays, pour nos enfants et pour le futur. Ce sera une leçon que nous allons donner au monde extérieur et l'histoire va retenir cela.

Frimo D. Koukou & Gbané Yacouba
Ph : Yanez Dessouza

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