dimanche, 20 avril 2008

interview de Laurent Gbagbo

Relations France - Côte d’Ivoire, accords de défense, bases militaires, élections 2008...

Au cours de son séjour à New-York, le Chef de l’Etat a accordé différentes interviews à des médias internationaux. Il a notamment évoqué les accords de défense avec la France.

Après de nombreux reports, l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire a été fixée au 30 novembre. Cette échéance sera-t-elle respectée ?
Je ne sais pas pourquoi on en doute. Nous ne pouvions pas organiser les élections avec un pays divisé. Maintenant qu’on voyage partout en Côte d’Ivoire, l’obstacle principal n’est plus. Il reste d’autres petits obstacles, mais on a dit qu’on y allait, et on y va.

Serez-vous candidat à votre propre succession ?
Le moment n’est pas venu d’en parler. François Mitterrand disait, en 1988, que plus tard il parlerait, mieux cela vaudrait. Je vous le répète aujourd’hui.

Faites-vous toujours du désarmement des rebelles du Nord un préalable?
L’accord de Ouagadougou mentionne, avant les élections, le cantonnement, ce qui équivaut au désarmement. On a appliqué l’accord de Ouagadougou jusqu’à présent, nous n’allons pas y déroger. Nous avons déjà, dans les deux camps, brûlé des armes, à Guiglo, à Bouaké. Nous pensons pouvoir continuer.

Un des noeuds de la crise est l’inscription sur les listes électorales des jeunes électeurs. Pourront-ils tous voter ?
Beaucoup de jeunes doivent être inscrits, c’est pourquoi on ne fait pas les élections dimanche prochain. Les dispositions sont prises pour qu’ils soient inscrits. J’espère qu’ils le seront et qu’ils pourront voter.

Une élection peut raviver les passions. Vous craignez des débordements ?
Je pense que l’élection va bien se dérouler. Je suis content qu’on ait fixé la date, parce que tout le monde va s’agiter sur les vrais sujets. On ne va plus passer son temps à se taper dessus inutilement.

Etes-vous prêts à accepter des observateurs internationaux ?
On les a toujours acceptés, c’est une tradition chez nous. Nous aurons la certification de la commission électorale indépendante. Les pays d’Afrique de l’Ouest seront présents, de même que l’Union africaine et l’ONU. Si ce n’est pas le monde entier, qu’est-ce que c’est ?

Vos relations avec le président français, Jacques Chirac, étaient médiocres. L’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy change-t-elle la donne ?
Bien sûr. Les observateurs de la politique africaine de Sarkozy n’ont pas remarqué une chose fondamentale. La déclaration du Cap, en février, tendant à modifier les accords de défense entre la France et ses anciennes colonies d’Afrique est révolutionnaire. Il met à terre un des piliers de ce qu’on appelait la “Françafrique”. Nous le réclamons depuis toujours.

Est-ce que vous souhaitez la fermeture du 43e bataillon d’infanterie de marine français, basé à Abidjan ?
Nous sommes d’accord avec la proposition de la France qui maintiendrait, comme points d’ancrage, des bases à Dakar, Libreville, Djibouti et La Réunion. Cela veut dire que le 43e BIMA fermera..

Peut-on parler d’une normalisation des relations entre Paris et Abidjan ?
Elles n’ont plus la passion malsaine qu’un diplomate français appelait le pathos. Il suffisait que la Côte d’Ivoire dise quelque chose pour que la France se mette en branle, ou l’inverse. Il n’y a plus cette maladie-là. Les relations sont en voie de normalisation. Elles sont bonnes.

Beaucoup de ressortissants français ont quitté le pays durant les troubles. Certains voudraient revenir. Sont-ils bienvenus?
Dites-leur de revenir. Certains l’ont fait. Nous allons aider le Lycée français à rouvrir. Il n’y a pas de problème.

Les experts de l’ONU chargés de surveiller l’embargo sur les armes affirment que la garde républicaine bloque le contrôle de certains sites. Pourquoi ?
Il faut le demander à la garde républicaine. Je ne peux pas lui donner des ordres, j’ai d’autres choses à faire.

Comme beaucoup d’autres pays, vous avez été confronté à des émeutes de la faim. Comment enrayer l’augmentation des prix de la nourriture ?
Le marché mondial est responsable. Lorsque je suis arrivé au pouvoir, en 2000, le pétrole était à 30 dollars. Aujourd’hui il est à 110 dollars. La hausse du prix des transports explique beaucoup de choses. 70 % de notre viande sont importés des pays voisins. La hausse des prix mondiaux du riz, du blé, ce n’est pas la Côte d’Ivoire. Il faut une maîtrise plus vigoureuse des prix des matières premières dans le monde.

A quelle échéance souhaitez-vous un retrait des troupes de l’ONU et de la France ?
Le plus tôt sera le mieux car leur présence signifie que nous sommes en crise. Ces troupes ne sont pas le problème, elles n’en sont que le signe. C’est le problème qu’il faut régler.

Propos recueillis par
Philippe Bolopion
Frat Mat

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