lundi, 5 février 2007

Caravane de la Paix / Charles Blé Goudé (Pdt du Cojep)


"Je demande pardon à tous ceux que j’ai choqués"--------------------------------------------------------------------------------
lundi 5 février 2007 - Par Le Temps Taille des caractères
© Abidjan.net par KSEN DIRECT DEPUIS ABIDJAN


Dans l`entretien qu`il a accordé à Le Temps, Charles Blé Goudé, président du COJEP (Congrès des jeunes panafricains) et leader de l`Alliance des jeunes patriotes pour le sursaut national, explique et fixe les objectifs de l`idée de la caravane de la paix qu`il a initiée.


Président Blé Goudé, peut-on savoir les raisons qui ont motivé l`initiative de la " caravane de la paix " ?

La caravane de la paix est d`abord le fruit d`une réflexion, d`un constat qui est que cinq ans après, nous réalisons que la solution à la crise ivoirienne ne se trouve pas dans des résolutions. Mais plutôt dans le cœur de chaque ivoirien, dans sa capacité à se dépasser, dans sa capacité à tendre la main à l`autre. Si les Ivoiriens décident de se parler entre eux, si les Ivoiriens décident aujourd`hui, que cette crise-là prenne fin, elle prendra fin. C`est pourquoi, nous avons initié la caravane.

Vous savez que l`ONU se réunira très bientôt. Alors n`est-ce pas par rapport à la sanction onusienne qui vous frappe, que vous avez choisi de lancer une caravane de paix maintenant ?

Vous savez, quel que soit ce que nous allons faire, il y aura toujours des commentaires insipides. Il n`y a pas d`arrière-pensée dans " la caravane de la paix ". Est-ce que, oui ou non cette campagne rapproche les Ivoiriens. Je pense que si vous ne pouvez pas l`encourager, laisser chacun dire ce qu`il a envie de dire. Je ne peux pas perdre mon temps à répondre à chacun par rapport à ce qu`il pense. Mais je pense peut-être qu`avant, cette caravane n`aurait pas été possible. Vous savez qu`on était dans une situation conflictuelle où on se regardait en chiens de faïence, où chacun élaborait plutôt des stratégies pour triompher de l`autre…

Voulez-vous dire que cette situation est maintenant dépassée ?

Je pense que nous devons tous accepter que cette situation est du passé. On s`est battu et il y a même eu des morts. Cela n`a apporté que la tristesse. Il faut donc passer à une autre étape. Parce que le fond demeure et ce fond, c`est que la Côte d`Ivoire soit une et indivisible. Le fond, c`est que les Ivoiriens se parlent, le fond, c`est que les armes soient déposées au profit des débats d`idées. Comment y arriver? Il faut maintenant qu`on se tende la main.

Apparemment cette caravane est plus dirigée vers les hommes du Nord…

Non ! Vous savez bien que dans chaque ville de la Côte d`Ivoire, il y a un quartier occupé par les frères du Nord et il y a les autochtones. Notre objectif est donc de rapprocher tout le monde. C`est de faire en sorte que les allogènes, les frères du Nord et les autochtones soient rapprochés. C`est ce que nous faisons. A Méagui, nous avons rapproché les Bakoué et les frères du Nord y compris les autres communautés de la CEDEAO, c`est-à-dire, les Burkinabè, les Maliens, les Mauritaniens, les Nigériens etc., a San Pedro, nous avons rapproché les Kroumen et les autres communautés que je viens de citer. Pareil à Anyama et à Adzopé où nous avons joint les mains des Akié aux autres communautés. Et chaque localité a sa spécificité. On ne va pas seulement parler aux gens du Nord. On rassemble les gens du Nord et la communauté locale.

Quelle est l`idée première qui se dégage, après avoir échangé avec les différentes chefferies des villes déjà visitées ?

L`idée que nous avons eue après la première étape, c`est le succès qui l`a couronnée, et l`implication des chefs musulmans, des chefs chrétiens, des chefs coutumiers, des autorités administrative et de la population elle-même. Nous voulons dire que le constat est clair : les gens sont fatigués de la guerre. Ils attendaient une main tendue. Vous savez quand vous êtes en conflit avec votre voisin, l`orgueil fait que l`un attend toujours que l`autre pose le premier pas pour aller à la paix. Il fallait quelqu`un pour poser le premier pas, en tuant son orgueil. C`est ce que nous sommes en train de faire, pour la Côte d`Ivoire. Et les gens sont heureux, il y a un engouement sans précédent.

Cela a-t-il été facile pour Blé Goudé d`attirer ces personnes vers lui pour leur parler de paix?

Ça n`a pas été du tout facile. D`abord, il y a eu la méfiance : est-ce que Blé Goudé est sincère ? Est-ce qu`il n`est pas dans une stratégie pour nous distraire ? Est-ce qu`il ne nous attire pas pour nous faire du mal ? Est-ce qu`il n`a pas été envoyé par les hommes politiques ? il y avait toutes sortes de suspicions qui planaient. Mais le frère Koné Seydou et moi, avons bravé ces suspicions. Nous leur avons parlé pendant plus de cinq mois. Et ce que vous voyez aujourd`hui, est la résultante de tout un travail de longue haleine. C`est maintenant que le travail officieux est en train de produire les résultats officiels que vous voyez. Donc, je vous avoue que ça n`a pas été facile. Et je ne rêvais pas du tout. On ne fait pas la paix à coup de bâton magique. Je me rappelle une réunion de plus de quatre heures que nous avons tenue au siège du COJEP, avec nos frères d`Anyama, d`Abobo et de Port-Bouët 2. C`était une réunion de vérité. Après cette rencontre, les camarades eux-mêmes se sont mis en mission pour aller vers leurs frères. Il y aura certainement des difficultés, mais acceptons d`être patients pour pouvoir les braver.

Aviez-vous eu des appréhensions au départ ?

Oui j`en ai eu. Vous savez que dans les médias, l`on nous a toujours présenté comme ceux qui n`aiment pas les gens du Nord. On nous a même présenté comme ceux qui ont participé à des meurtres. Donc en partant, je savais que la tâche allait être difficile. Le premier contact, c`était lors d`un meeting du Pr. Mamadou Koulibaly, à Anyama. Sous une bâche, une jeune fille et un jeune garçon m`ont approché pour dire : "Blé, nous, nous ne t`aimions pas avant, mais maintenant nous sommes prêts à discuter avec toi". Et le Pr. Mamadou Koulibaly a établi le contact. Tout est parti de là. J`ai donc parlé avec les deux, ensuite, avec quatre, et puis avec d`autres personnes. Ça n`a pas été facile. Mais c`est ce qui rend le combat intéressant. Quand une œuvre est facile, elle n`a pas la même valeur qu`un dur combat remporté. Ce n`est pas encore fini, mais je suis si heureux qu`après toutes ces difficultés, il y ait une adhésion massive. Il faut déjà saluer les deux premiers. Parce qu`aujourd`hui, je parle avec des milliers de frères et d`autres personnes du Nord, pour la cause de la patrie. Notre patrie à nous tous.

Après les quatre étapes de la caravane de la paix, quels sont les retours que vous avez ? Est-ce que le message passe ?

Je puis vous affirmer que le retour est positif. Les gens sont contents de notre initiative et surtout du message. Les gens apprécient que celui qu`ils considéraient comme leur ennemi, soit le premier à demander pardon. Si on vous a choqué, on vous demande pardon. Venez avec nous pour qu`on fasse la paix. Positivons la force que nous avons pris pour nous attaquer, pour libérer notre pays et puis le repositionner. Je pense qu`aujourd`hui, les gens sont vraiment libérés. J`ai eu l`impression qu`ils n`attendaient que ça.

Certaines personnes vous accusent d`être responsable de ce qui se passe à la FESCI. Cela ne va-t-il pas jouer contre la "caravane de la paix", qu`est-ce que vous répondez ?

Je n`ai pas de réponse à donner.

Pourquoi ?

Je souhaite que chacun travaille à la paix. Je le répète : tous ceux qui ont été choqués par mes actions directes ou indirectes, à quelque niveau que ce soit, je leur demande pardon et je leur demande d`accepter la main que je leur tends. Je souhaite qu`on parle à tous les niveaux. On n`a pas intérêt à s`entre-déchirer. Je suis en train de travailler à cela et je n`ai pas de réponse virulente à donner. Il y a un temps pour se battre, il y a un temps pour se parler. On ne parle pas tout le temps avec les mêmes réflexes. Les réflexes évoluent avec le temps. Chacun doit accepter de faire sa propre mue. Parce que tout ce qu`on a fait, n`a toujours pas été juste. On a dû faire des erreurs. Il faut accepter maintenant, de conjuguer tout cela, pour aller de l`avant. C`est ça que les Ivoiriens attendent de nous.

Verra-t-on la "caravane de la paix" en zones occupées ?

Mais bien sûr ! Les zones occupées font partie de la Côte d`Ivoire. Et je pense qu`après avoir fait le tour de la zone gouvernementale, nous allons faire l`apothéose certainement au stade champroux ou au Palais des sports, avant d`envisager l`étape des zones assiégées. Nous enverrons un émissaire à Bouaké pour apporter notre courrier à mon frère Guillaume Soro. Lettre dans laquelle nous allons formuler la demande que l`on accepte l`arrivée de leurs frères à Bouaké. Nous n`allons pas en libérateurs, mais pour embrasser les autres frères de Bouaké.

Le Président vient d`initier un Dialogue direct. Quel commentaire ?

Ecoutez, ce Dialogue direct est une fierté pour la Côte d` Ivoire. C`est une idée originale qui regroupe les Ivoiriens. Cela prouve que les Ivoiriens sont capables de régler leurs problèmes, par eux-mêmes et pour eux-mêmes. Cela prouve que les Ivoiriens sont capables d`une production d`idée nouvelle. Cette innovation est bonne pour le pays et pour toute l`Afrique ? Elle met fin au " biberonnisme politique ". Que tous les Ivoiriens, à quelque niveau que ce soit, travaillent à l`aboutissement, de sorte que ce dialogue ait un effet sur la masse. Parce qu`on peut diriger au sommet, mais lorsque la base ne suit pas, ça n`a pas de valeur.

Vous ne pensez pas qu`il y aura des gens pour torpiller le dialogue, comme ça été le cas pour la rencontre de Lomé ?

C`est ça qui fait la vie. Il y a ceux qui produisent des idées et il y en a qui œuvrent à leur destruction. Soit parce que ces idées-là leur font perdre des privilèges, soit qu`ils n`ont rien à proposer. Cela existe. Mais est-ce que ça va nous empêcher de travailler ? Je pense que non. Et comme nous en sommes conscients, il faut plutôt baliser pour avancer et faire en sorte que le négatif ne puisse pas primer sur le positif.

Que dites-vous à Soro par rapport au Dialogue direct ?

Moi, je sais que Guillaume Soro aime la Côte d`Ivoire. Je le sais un garçon intelligent et je pense qu`il trouvera les ressources nécessaires en lui-même, pour qu`on sorte de cette rébellion, il est Ivoirien avant tout. Je souhaite que nous profitions tous de ce dialogue pour aller véritablement à la paix. Cela est possible, pourvu que chacun fasse preuve de dépassement et de hauteur d`esprit. Qu`il fasse en sorte que l`histoire retienne son nom positivement.
D`aucuns pensent que le Dialogue direct est considéré comme la mort politique du Premier ministre Banny, nommé pour jouer le rôle de facilitateur…
Mais la vie politique de M. Banny n`est pas plus importante que la Côte d`Ivoire. La vie de la Nation est au- dessus de la vie de chacun de nous. Alors si la mort politique de M. Banny peut nous permettre d`avancer, c`est aussi bon. Seulement, je voudrais que vous ne personnalisiez pas les débats.


Interview réalisée par : Yacouba Gbané & Frimo Koukou

1 commentaire:

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