dimanche, 6 janvier 2008

Message de M. Laurent Gbagbo à la Nation 1ère partie

Ivoiriennes;
Ivoiriens;
Mes chers compatriotes;
Chers amis de la Côte d’Ivoire. L’année 2007 s’achève ce soir. Dans la situation que nous avons vécue durant la crise, cette année marque un tournant. Elle restera l’année de la confiance retrouvée en nous-mêmes, dans les capacités de notre peuple à surmonter ses difficultés; l’année de la confiance dans l’avenir de notre pays. Je souhaite de tout cœur que 2008 qui arrive soit l’année de la paix définitive. Une paix garantie par le fonctionnement régulier et démocratique de nos institutions. C’est le vœu que je forme pour la Côte d’Ivoire, notre pays. Mais, au-delà de ce vœu profondément sincère, j’invite tous les Ivoiriens à prendre ce soir (Ndlr, lundi 31 décembre 2007) l’engagement de tout mettre en œuvre, chacun à son niveau, pour sortir définitivement la Côte d’Ivoire de la crise et construire la paix au quotidien. C’est pourquoi, mon message de ce soir sera essentiellement consacré au processus de sortie de crise et à la construction de la paix. Mes premiers mots vont à vous, mes chers compatriotes, à tout le peuple de Côte d’Ivoire.
Notre peuple a payé le prix du sang sur les différents fronts. Il s’est mobilisé dans les campagnes comme dans les villes. Il s’est pleinement engagé dans la sortie de crise que nous sommes en train de vivre. Paysans, travailleurs des villes, sans emplois, élèves, étudiants, vous tous et vous toutes, habitants de ce pays, sans distinction; femmes, jeunes, moins jeunes, je salue votre engagement. C’est votre résistance qui nous vaut le soutien enthousiaste de nombreux amis à travers le monde, particulièrement en Afrique. C’est votre combat que les Africains saluent aujourd’hui. Des plus illustres aux plus modestes, ils sont à nos côtés. Comment ne pas rendre hommage en effet, à tous ces pays africains qui nous ont aidés et continuent de nous accompagner, au niveau des Nations unies, au niveau de l’Union africaine, et au niveau de nos organisations régionales que sont la CEDEAO et l’UEMOA. Qu’ils trouvent ici l’expression de la reconnaissance du peuple ivoirien. Un grand témoignage de cet élan de solidarité africaine vient de nous être manifesté ce samedi 29 décembre. Des footballeurs professionnels, parmi les plus prestigieux au monde, sont venus participer à un match de gala à Abidjan pour la paix et la réconciliation en Côte d’Ivoire. La crise ivoirienne a également mobilisé les organisations internationales.
À ce jour, le Secrétaire général des Nations unies a un Représentant spécial, M. Choï qui dirige une forte représentation de notre organisation commune dans notre pays. Avec la sortie de crise et depuis la signature de l’Accord politique de Ouagadougou, nous allons vers une normalisation totale de nos relations avec tous nos partenaires, les institutions financières internationales, et tous les pays amis. Au moment où l’espoir de paix prend corps, il est de notre devoir de leur exprimer notre reconnaissance. En 2006, nous avons fait un constat. Nous avons pris conscience que le pays s’installait dans la crise, et qu’il dépendait de nous et de nous seuls de prendre notre destin en main ou à défaut de subir les événements. Du reste, nos partenaires extérieurs n’ont pas manqué de souligner régulièrement que le retour de la paix en Côte d’Ivoire dépendait d’abord et avant tout des Ivoiriens eux-mêmes. C’est ce sentiment, partagé par tous, que j’ai tenu à traduire devant les Forces de défense et de sécurité, le 15 septembre 2006 au Palais de la Présidence de la République. Ce jour-là, nos forces armées nationales ont pris l’engagement devant la nation de s’inscrire dans le processus interne de paix que je proposais. Elles sont restées fidèles à cet engagement. Les Ivoiriens et tous les habitants de ce pays, par les voix de divers représentants et sous les formes les plus diverses, se sont exprimés pour réclamer la reprise en main du processus. Le dialogue direct que j’ai proposé a pris en compte toutes ces interpellations. L’Accord politique de Ouagadougou, issu de ce dialogue inter-ivoirien, n’est donc dirigé contre personne ; ni à l’intérieur, ni à l’extérieur.
Au demeurant, nous avions déjà engagé un tel dialogue dès le mois d’octobre 2002 à Lomé, sous l’égide de la CEDEAO. Aujourd’hui nous sommes heureux et fiers des résultats de cet Accord. Il nous a fait sortir de l’impasse. A cette occasion solennelle des vœux du Chef de l’Etat à la nation, je tiens à remercier les acteurs de ce processus et je demande à tous nos partenaires de poursuivre et d’accentuer leur appui. Mes chers compatriotes, chers amis de la Côte d’Ivoire. L’Accord de Ouagadougou marche et il marchera. Des actes concrets montrent bien nos avancées vers la paix depuis la signature de cet accord le 4 mars 2007.
Il a rendu possible, en premier lieu et dès le 29 mars, la nomination d’un Premier ministre accepté par tous les protagonistes de la crise, en particulier par ceux qui avaient pris les armes. Cela a permis de poursuivre le dialogue direct à tous les niveaux, sur tous les sujets et de mener de front toutes les actions prévues pour la mise en œuvre de l’Accord, c’est-à-dire pour la sortie de la crise. Ces actions ne sont pas de simples gestes symboliques. La Côte d’Ivoire retrouve son intégrité territoriale avec le démantèlement de la zone de confiance et l’inauguration du Centre de commandement intégré (CCI) le 16 avril. Nous avons proclamé solennellement la fin de la guerre, le Premier ministre et moi-même, au cours d’une cérémonie de la Flamme de la paix le 30 juillet à Bouaké, en présence de six chefs d’Etat étrangers. La réunification du pays est confirmée et consolidée par la suppression de la ligne de front ce samedi 22 décembre avec le retrait des forces à Tiébissou et à Djébonoua, marquant le démarrage effectif du désarmement. Conformément à ce que nos officiers ont dit aux soldats sur les lignes de front, dans quelques jours, je ferai une adresse particulière sur les dispositions pratiques pour la mise en œuvre du DDR et le service civique national.
L’administration et les services de l’Etat se redéploient. L’identification générale des populations est en cours. Elle a commencé par les audiences foraines qui se déroulent actuellement sur l’ensemble du territoire national. Le processus électoral a démarré avec l’installation par la CEI des 24 commissions électorales régionales entre mai et juin derniers. Je félicite le Premier ministre, l’ensemble du gouvernement et tous les acteurs civils et militaires impliqués dans la mise en œuvre de l’Accord de Ouagadougou, pour le travail abattu en dix mois. Les résultats que nous saluons tous ont été obtenus au prix d’un engagement constant et avec une abnégation allant jusqu’au sacrifice.
Les difficultés que nous avons rencontrées sont illustrées par l’attentat meurtrier contre l’avion transportant le Premier ministre Soro Guillaume le 29 juin 2007. Il a fait plusieurs blessés et coûté la vie à 4 personnes. Ayons ce soir une pensée pour ces victimes. Mes chers compatriotes, La visite d’Etat que j’ai effectuée dans la région des Savanes, du 28 au 30 novembre dernier, m’a donné l’occasion de saluer les populations, de les écouter mais aussi de montrer aux yeux de tous que la République demeure une et indivisible. J’adresse encore une fois mes remerciements à tous ceux et à toutes celles qui ont contribué au succès de cette tournée. Les populations d’abord, pour leur mobilisation extraordinaire et exemplaire. Les cadres, rassemblés autour des valeurs de la République. Les chefs traditionnels, toutes les confessions religieuses, les associations et mouvements de jeunes et de femmes qui se sont mobilisés pour faire de cette tournée une fête populaire. Le Premier ministre enfin. Il a tenu le pari en mettant tout en œuvre pour la réussite de cette visite. J’entends poursuivre ces tournées dans toutes les régions, répondant ainsi à mon devoir de Chef de l’Etat, garant de l’unité nationale. La République a le devoir de s’occuper de tous ses enfants. Personne ne devra se sentir lésé. L’enseignement principal que je retiens de cette visite et, au-delà, de notre processus de paix, se résume en un mot : l’Etat ; la place ainsi que l’importance de l’Etat et de sa constitution dans la vie des nations. L’examen attentif de la situation des pays d’Afrique qui, comme nous, ont connu des difficultés d’une part, et d’autre part les diverses manifestations de la crise ivoirienne, confortent ma conviction profonde que l’Afrique a besoin de construire des Etats solides et viables, parce que fondés sur l’Etat de droit, sur des institutions stables, démocratiques et respectées de tous.
Ici en Côte d’Ivoire, les manifestations de résistance, au plus fort de la crise, comme l’enthousiasme émouvant des populations du Nord, lors de ma récente visite dans la région des Savanes, comportent un seul et même message : les populations réclament l’Etat. Elles réclament l’Etat pour les protéger; elles réclament l’Etat pour garantir la paix et la sécurité. Elles réclament l’Etat pour assurer le développement du pays et des régions. Mon devoir, dans cette période de sortie de crise, est de poursuivre l’œuvre de construction et de consolidation de l’Etat. L’histoire et l’expérience des crises en Afrique le montrent bien : partout où l’Etat s’est effondré cela a entraîné la désolation, la désagrégation de la société et l’anarchie.
Nous avons tous besoin de l’Etat, d’un Etat responsable, capable de fournir les services de base, de créer et garantir les conditions du développement économique et social. C’est pourquoi j’affirme que nul ne peut prétendre qu’il fait ou qu’il cherche le bonheur du peuple en favorisant la désagrégation de l’Etat. Dans cette phase de la sortie de crise, nous avons besoin de la présence de l’Etat partout en Côte d’Ivoire. J’exhorte les agents de l’Etat, chargés de l’administration, de la sécurité, des services sociaux à remplir leurs devoirs avec probité. Ils doivent veiller à la restauration de l’autorité de l’Etat dans tous les secteurs. Je les invite, par leur présence et par leur travail, à rassurer les populations qui se remettent progressivement des traumatismes de la crise.

Aucun commentaire: